Le monde capitaliste bat de l’aile, il n’inspire plus confiance mais ses élites font semblant de ne pas le voir. Pour ne pas avoir à tirer les conséquences de ses résultats, négatifs pour les peuples mais très positifs pour les catégories dirigeantes et “supérieures”. Elles ne le feront d’ailleurs jamais. Elles craignent tellement le krack financier qui menace leurs jeux spéculatifs…
L’Europe, déjà dans une impasse, est encore affaiblie avec la sortie du Royaume Uni et les conflits avec plusieurs pays qui veulent la quitter sur des bases nationalistes. Envahie par des dizaines de milliers de lobbyistes elle s’est mise naturellement au service de la finance et des multinationales.
L’Allemagne sans gouvernement depuis septembre n’a toujours pas de majorité mais elle a, pour la première fois depuis 1945, un groupe néo-nazi au Bundestag. Comme l’Autriche qui va présider l’UE en juillet 2018.
De l’autre côté de l’Atlantique, Trump est en plein délire protectionniste, productiviste, raciste etc… Il accentue une image pathétique mais dangereuse par les pouvoirs qu’il détient. Dirigeant l’OTAN, entre autre, au sein de laquelle la France macronienne se trouve être le meilleur partenaire européen, comme au bon vieux temps.
Partout les inégalités se creusent. A Davos, à l’ouverture du forum économique mondial des “élites”, Oxfam vient de rappeler que “82% des richesses créees dans le monde ont bénéficié aux 1% les plus riches.”
Macron s’y est fait remarquer en déclarant le 24 janvier, en français, qu’il était à la pointe de ce qu’il fallait faire en matière de dispositions favorables au capital puis, en anglais, il a attiré l’attention de ses pairs sur le risque de ne pas être compris et de faire le jeu des populistes !
Véritable exercice d’acrobate qui revient à dire que le décrochement des peuples pourrait bien venir des excès d’une trop grande soif de profits des plus riches et qu’il faut faire attention à ne pas détricoter trop brutalement leurs acquis. Non ! Pas des excès, des objectifs des multinationales à la tête des Etats qui sont les premiers responsables des effets de leurs politiques sur les peuples.
On le voit bien : ils ne font qu’étaler leurs progressions en profits et en patrimoines et, ici, à piquer dans la poche des plus pauvres pour diriger l’épargne des catégories populaires -quand il y en a- vers les entreprises privées ! Mais chut…il ne veut pas passer pour le président des riches ! Il a quitté la direction de la banque Rotschild, il est au service du peuple, voyons, c’est lui qui le dit.
Les guerres se développpent partout, pas seulement le terrorisme islamique qui en en a été nourri puis leur a donné une autre dimension, ne le perdons pas de vue. Toujours pour la possession des richesses. Elle sèment la mort, les migrations, les divisions etniques et religieuses. L’insécurité gagne tous les pays qui ferment les frontières et refusent de regarder en face les problèmes qu’ils ont crées.
Pour rester en France -ce qui ne veut pas dire nous y isoler- la politique libérale s’y déploie sans complexe et s’apprécie à ses actes et à leurs impacts sociaux. Jamais les atteintes à nos acquis et droits sociaux n’avaient atteint une telle ampleur et nous ne sommes qu’au début.
L’effondrement du pouvoir socialiste acquis au libéralisme, a permis d’accentuer la division à gauche et à droite. Et même à l’extrême-droite. La recomposition est à l’oeuvre, mais à gauche, on est toujours à la recherche d’une dynamique unitaire et très revendicative, alors que ça craque partout dans le mouvement social : des services publics “à la ramasse” par la volonté gouvernementale de les discréditer pour mieux les privatiser.
Dans le privé la France continue de laisser brader son patrimoine industriel, passé de 20 à 12% du PIB en 30 ans et à donner libre cours aux intérêts privés pour se répartir les affaires selon le seul intérêt de leurs actionnaires.
Comme disait Gilles Deleuze, “les gouvernants ont plus besoin de nous déprimer que de nous opprimer !”
Encore que l’action syndicale et citoyenne a fâcheusement tendance à être criminalisée. Le double discours et la langue de bois n’ont pas perdu leur usage…au contraire !
Certes il y a des résistances collectives, nombreuses, puissantes, déterminées sur de très nombreux terrains où le ras’l’bol a largement dépassé la cote d’alerte. Mais pas de lame de fond. Pas d’unité de grande ampleur. De convergences potentiellement majoritaires. Pas encore.
Que faire ? Le déplorer, attendre que l’inspiration vienne, toute seule, et que chacun, après s’être gratté la tête, la relève un jour, et comme Raymond Souplex dans les “cinq dernières minutes”, y aille d’un “Bon dieu, mais c’est bien sûr….” Tous dans la rue ? “Après vous, je vous en prie….”
Encore faut-il s’être convaincu que, sans action collective, on ne pourra que reculer socialement. Et croire que “se battre” pour son propre intérêt peut déboucher sur un progrès ou sur le maintien d’un acquis menacé.
Et en plus savoir que, de toute manière, tant que les mêmes seront au pouvoir, ils nous reprendront tôt ou tard ce que nous aurons conquis. Pourquoi commencerais-je et m’exposerais-je à la vindicte du patron, par ces temps si…peu assurés ? C’est l’un des freins et il est puissant en tant de crise.
Autrement dit, le pouvoir patronal ou institutionnel ne favorise pas mais combat en même temps le combat syndical et le combat politique (sauf le sien). Belle trouvaille ! Alors, comment avancer ? Comment ne plus éprouver ce sentiment étouffant qu’on n’est plus entendus ? Ce sentiment d’impuissance qui nous paralyse, qui retient notre colère et notre solidarité…
C’est tout l’enjeu si l’on veut entrevoir une issue progressiste donc anti-capitaliste, à l’impasse dans laquelle ils veulent enfermer l’opposition, surtout celle qui se propose de changer de système économique et politique. En vue, du même coup, d’isoler les catégories populaires.
Il ne s’agit pas de faire surgir du chapeau toutes les solutions aux multiples décisions à prendre. Mais grâce au rapport de forces politiques, syndicales, citoyennes…, c’est sur le terrain que nous aurons crée, pour des objectifs que nous aurons décidés, collectivement à tous les niveaux. Non pas une minorité “éclairée” mais la plus large participation possible de salariés au plan de l’entreprise, de citoyens au plan des quartiers, des villages.
Par le dialogue à gauche, sans tabou
Croyons-nous possible d’obtenir une montée en puissance du refus de l’austérité dans laquelle ce gouvernement persiste et un changement radical de priorités politiques dans le cadre d’un système qui garderait les mêmes critères libéraux ? Donc considérerait comme justifiée la priorité à la finance privée, à ses choix, à ses critères, à ses objectifs et à son monopole sur les Etats comme sur les institutions économiques. Pour le seul profit des 1% les plus riches !
Si nous répondons : “non, trop difficile, ça a toujours existé, il vaut mieux tenter d’obtenir le maximum, ne pas s’embarrasser du pouvoir, des responsabilités, en espérant que la conjoncture s’améliore “? Alors nous irions vers plus de restrictions, de régressions, d’injustices et encore moins de perspectives d’en sortir.
Nos dominants s’emploient, comme disait Deleuze, à nous inculquer cette résignation, ils ont des moyens financiers et médiatiques colossaux pour cela, pour nous dissuader d’agir. Les députés REM sont invités à “ne jamais laisser dire que nous faisons une politique pour les riches” ! Le même jour à Davos, Oxfam révélait que “la France était championne d’Europe…de la rémunération de ses actionnaires” (1)
Mais…si vous ne rêvez plus d’émancipations mais que vous vouliez les réaliser parce qu’elles ne relèvent pas de la fatalité, toutes ces exploitations, toutes ces inégalités, et que vous pensez qu’on ne peut plus laisser la finance s’approprier toutes les richesses créées par les hommes alors qu’il y a tant de causes humaines à affronter devant et autour et à côté de nous.
Alors vous trouverez logique une rupture franche avec l’ordre capitaliste établi. Une rupture qui ne se décrète pas, qui se construit au fur et à mesure que s’établit un rapport de forces favorable aux forces du travail contre celles du capital ! Et qui soit confirmé démocratiquement.
Sans être convaincu de la cause profonde des problèmes auxquesls on est confronté, comment trouver la solution ? Et l’envie de se battre ?
Certes on ne va pas attendre d’être d’accord sur tout pour agir ni avoir forcément la même analyse politique sur tout. Il faut juste se sentir concerné ou solidaire de l’action à mener avec ceux qui ont décidé de se battre et qui gagneront s’ils créent un rapport de forces avec l’adversaire qui leur soit très favorable.
On en est encore là et il est difficile d’en faire l’économie. Faire bouger celles et ceux qui ne l’ont pas encore fait, bien qu’ils soient concernés, n’est-ce pas un stade à franchir partout où des coups sont portés, où des mobilisations existent ou frémissent ? Quel que soit le terrain, syndical, citoyen, associatif, politique…
Il n’y a pas de hiérarchie mais concernant le niveau politique, il y a, pour toutes les forces politiques qui se réclament de la gauche et de l’écologie, un devoir d’urgence à à faire oeuvre de convergences, sans leader-ship, pour construire une alternative de transformation sociale et écologique à l’austérité et à la confiscation de l’Etat, donc du débat démocratique.
Des thèmes qu’abordera, parmi d’autres, le 7 février à Hyères (18 h 30 auditorium du Casino), André Chassaigne, président du groupe communiste à l’assemblée nationale.
René Fredon
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