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a France est une République depuis que la royauté a été abolie par la convention nationale et à l’unanimité par décret les 21 et 22 septembre 1792.
Trois jours plus tard, la même convention déclarait que “La République française est une et indivisible”. Le 24 juin 1793, elle adoptait la Constitution sous forme de Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. (1)
En 1948 les 58 nations constituant l’assemblée générale des Nations Unies ont adopté à Paris la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui reste le fondement du droit international. Cette déclaration en réponse aux traumatismes de la seconde guerre mondiale et à l’aspiration des peuples à la liberté, à la justice et à la paix dans le monde. Elle ne fait aucune référence à la forme du pouvoir.
La France ayant proclamé la République dès 1792, nous nous appuyons sur cette déclaration pour revenir aux sources, d’autant que la République a été combattue, répudiée dans ses principes et dans sa forme tout au long de son histoire : rétablissement de l’empire, de la royauté puis retour à la République : on en est à la Vè dont le préambule affirme que “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale…dont l’emblème est le drapeau tricolore” (Vè République 4/10/58).
Peut-on se dire républicain si l’on n’en partage pas les valeurs et les buts ? Notre révolution de portée universelle, a traversé bien des vicissitudes, suscité des opppositions, de la violence dont on a surtout retenu la période de la terreur et l’exécution du roi, elle a été combattue de l’intérieur et de l’extérieur jusqu’à être supplantée mais, dans un premier temps, au nom des valeurs émancipatrices que portaient les sans culottes et le tiers-état exclu de tout, valeurs qui se répandirent en Europe. Elle a semé les graines de changements sociaux humanistes donc progressistes, sans cesse remis en cause et qui tardent à porter leurs fruits. Ils continuent à guider nos pas, à motiver les luttes pour la dignité et l’égalité de tous, femmes et hommes de tous les pays.
La Vè république aura été la plus longue séquence de l’histoire. Elle est née en 1958 de l’ingouvernabilité de la IVè refusant de répondre à la volonté d’indépendance de l’Algérie, cédant à lasommation de 4 généraux faisant sessession. Elle s’avère, à son tour, inadaptée aux aspirations et à la prise en compte du vécu des classes populaires, comme sous Louis XVI, par les pouvoirs dévolus au Président, nouveau monarque centralisant le pouvoir dédié à la satisfaction des classes dominantes et des objectifs économiques du grand capital mondialisé. Le veau d’or est encore debout !
On est loin des origines et des intentions gravées dans la Première constitution de 1793. Certes il faut les apprécier dans leur époque mais bien mesurer l’esprit novateur et révolutionnaire que fut l’abolition des privilèges car on en est toujours loin, les privilèges existent à grande échelle et n’en sont que plus anachroniques et insupportables.
Quelques exemples : cette déclaration fait “de l’oubli et du mépris des droits naturels de l’homme, les seules causes des malheurs du monde…afin que tous les citoyens ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie...afin que le peuple ait toujours devant les yeux, les bases de sa liberté et de son bonheur…”
Art 1. – Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
Art 2. -Ces droits sont l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété. (A propos de propriété, il faut entendre le sens précisé à l’article 16 : “le droit de propriété qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie”, ce mot signifiant “qualité, habilité à faire quelque chose”)
Art 3.-Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi (Plus de distinction sociale, religieuse, ethnique…)
Art 4.-La loi est l’expression libre et solennelle de la volonté générale; elle est la même pour tous soit qu’elle protège soit qu’elle punisse; elle ne peut ordonne que ce qui est juste et utile à la société; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.
Art 18.- Tout homme peut engager ses services, son temps; mais il ne peut se vendre, ni être vendu; sa personne n’est pas une propriété aliénable; la loi ne reconnaît point de domesticité; il ne peut exister qu’un engagement de soins et de reconnaissance entre l’homme qui travaille et celui qui l’emploie”
Ces quelques exemples pour souligner la proximité avec ce à quoi nous aspirons toujours 230 ans après, du moins le peuple d’en-bas, -comme disait Jack London au début du XXè siècle- et dont nous sommes privés par une dictature plus sournoise mais bien réelle et très puissante : celle de l’argent concentré entre les mains de moins de 1% de la population et géré par des chefs d’Etat ne jurant que sur la Démocratie et, comme en France, d’une République qui, jour après jour, creuse les inégalités et entretient un arsenal nucléaire dernière génération qui se veut dissuasif, entre les mains d’un Président à la merci d’une défaillance ou d’un coup de sang, comme on en connaît.
La République a ses faussaires
Une République dont se réclament aussi celles et ceux qui rêvent de l’abolir, certains peu nombreux, pour rétablir la monarchie, d’autres, beaucoup plus nombreux et inquiétants, allant jusqu’à assumer leur proximité avec le nazisme, d’autres encore dissimulant leur idéologie nationaliste, antisémite et xénophobe se dressent contre la tolérance religieuse et la solidarité entre les humains dans la détresse, au nom de la “supériorité” de “leur” civilisation sur les autres qui leur servent de boucs émissaires pour mieux dresser les victimes les unes contre les autres !
Porteurs de haine, ils vont jusqu’à exhiber leur anti-sémitisme pathologique doublé d’islamophobie, ils ont affrêté un navire pour refouler les migrants sur leurs embarcations surchargées, ils arment des milices pour les intercepter dans les montagnes du sud-est, ils organisent même la collecte de denrées pour “aider” les populations …françaises, excluant les Français(es) issus d’autres descendances notamment maghrébines !!! Qu’ont-ils à voir, ces provocateurs permanents de troubles, ces anonymes de l’insulte et de la diffamation, avec la République et les idéaux de ses fondateurs du siècle des Lumières ? Ils la dénaturent, s’en servent et bénéficient d’une complaisance coupable car ils menacent l’intégrité et la sécurité des personnes, l’unité nationale et la République elle-même. Ils sont à ranger au même niveau que les islamistes : des ennemis de la République !
Il n’est pas inutile de rappeler que c’est la chasse aux juifs, dès les années 30, initiée par Hitler sur les décombres de la République de Weimar, qui ouvrit la voie à l’Holocauste que fut la seconde guerre mondiale aux 60 millions de morts. Les camps de concentration, “Un détail de l’hitoire…” pour le fondateur du FN, ce n’est pas si vieux.
Et que la IIIè République, en France, fut ébranlée à partir de 1894 par le complot antisémite qui frappa le capitaine Dreyfus, juif d’origine alsacienne, avant que ne s’élèvent de grandes voix répubicaines (Zola, Jaurès…) pour qu’éclate la vérité jusqu’àu rétablissement de son honneur…16 ans après ! Tandis que les anti-dreyfusards, de droite et d’extrême-droite avec leur presse, pouvaient librement instiller leur venin mortel.
Pas de quoi être rassurés d’une telle réminiscence dans notre République aux traditions de résistance et de luttes sociales historiques, d’aspiration à la paix et à la coexistence pacifique. Jamais l’avenir n’avait été aussi incertain et le présent aussi anxiogène pour l’immense majorité.
Raison de plus pour rappeler que c’est du côté du peuple rassemblé et conscient que se trouve la voie de l’émancipation sociale et culturelle, de la fraternité et des solidarités avec toutes les victimes d’injustices et de discriminations pour éviter le retour des vieux démons qui ont produit les massacres que l’on sait à l’échelle du monde et qui continuent localement. Sans oublier l’urgence d’une autre révolution, celle d’une transition écologique d’ampleur planétaire au rang, elle aussi, de priorité absolue de la période que nous vivons.
René Fredon