Fin février 2019, Hubert Falco qui porte, avec TPM et un comité de pilotage, le projet d’aménagement du port, tentait de rassurer les riverains sur les solutions aux pollutions et plus particulièrement l’électrification des quais, actuels et futurs, qui permettrait de réduire les nuisances des navires à quai qui font tourner leurs moteurs au fuel lourd pour produire l’électricité dont ils ont besoin.
Source de pollution énorme, “un bateau à quai produit des rejets dans l’atmosphère équivalents à 10.000 à 30.000 véhicules, et en propulsion, 5 à 10 fois plus “, selon le patron d’Air Paca.
Hubert Falco affirmait, à bord du Méga Express Three de la Corsica Ferries, en présence de son président ainsi que de celui de la CCI, qu’Enédis lui avait assuré “qu’il était techniquement possible d’électrifier l’ensemble des quais”. Il était temps d’y penser.
Il parlait “d’un délai…raisonnable” d’autant que les ferries ne sont pas équipés mais le seront quand les quais seront électrifiés, confirmait le PDG qui a connu quelques déboires avec le dégazage en mer il y a quelques années.
Le projet a évolué.
Il vient de franchir une nouvelle étape rendue publique le 5 juillet dernier qui acte trois grandes avancées concernant les études et le choix d’un des trois lauréats retenus (1), l’appel à projets aux promoteurs et investisseurs des 4 lots à l’intérieur du périmètre de 44 ha (2) ainsi que la démolition du mur Nord de l’Arsenal du Mourillon.
Mais si l’information a bien été faite…en juillet, les riverains et l’ensemble des Toulonnais.es n’ont toujours pas été consultés, ne savent pas vraiment ce qui a évolué depuis la cession du terrain par la marine au Mourillon, à part, peut-être, le changement du sens du quai de 400 m et le renoncement au parking précédemment envisagé.
On apprend que l’on va désigner dans les prochaines semaines un des trois lauréats retenus pour proposer “une étude globale de conception urbaine, architecturale et paysagère” et que les candidats promoteurs et investisseurs ont jusqu’au 1er octobre pour remettre leur dossier.
Sans que l’on ait eu à connaître et à débattre du projet tel qu’il est en train d’évoluer, à moins de considérer que le débat de fond est terminé et qu’il faut faire vite…les élections approchent ! Selon l’argument : “on l’avait à notre programme et on le réalise, plus de temps à perdre.”
Quid des quais réservés aux super-yachts pour super-riches ? Maintenus ou supprimés ? Quid des objectifs écologiques et environnementaux réglementaires ? Quid de l’espace de Brégaillon ? Quid des espaces réservés aux activité industrielles…sans compter Naval Group ? Quid des dispositions (outre l’électrification des quais, en cours) pour faire face à tout un ensemble de nuisances connues ou sous-estimées ? Quid des transports en commun pour fluidifier un trafic croissant ? Quid de la pression foncière et des projets immobiliers hors zone portuaire ?
Une chose est de développer l’activité portuaire, autre chose de vouloir faire de Toulon et de son port un haut lieu de la grande plaisance de luxe qui a déjà l’embarras du choix sur nos côtes méditerrannéennes et qui voit fleurir à l’est, sur l’Adriatique, ces “lieux de rêves” qui détruisent l’environnement, bétonnent à outrance -il n’y a qu’à voir ce que devient Barcelone et son littoral : un monstre de béton déformé par la sur-abondance des touristes et la course à l’urbanisation…sélective. Ses habitants y vivent de plus en plus mal.
En témoigne le récent appel du président des activités portuaires de Venise écrivant à ses homologues de Marseille, Palma de Majorque, Barcelone, Dubrovnik… afin de “faire pression sur les croisiéristes pour qu’ils adoptent des navires compatibles avec les structures et l’environnement”.
Gaudin ne déclarait-il pas : “Marseille sera le Miami de la Méditerranée.” Dans le Var, un sulfureux maire de Toulon voulait, dans les années 1970/80 “faire du Var la Californie de l’Europe” !
Changement d’ère
C’était avant les accords de Paris et la réaffirmation de l’urgence climatique qui implique des décideurs, non pas des déclarations d’intention répétées, mais des actes concrets s’inscrivant dans les politiques publiques et s’imposant au sacro-saint “marché” qui produit les aberrations auxquelles on assiste chaque jour, à nos portes comme à l’échelle des continents. L’ampleur du désastre provoqué au Brésil en est l’illustration dramatique.
Le gigantisme des navires ne va pas dans le sens de la recherche de la sobriété énergétique, à plus forte raison s’il s’agit de super-yachts répondant aux désirs de quelques personnes.
Tout comme le gigantisme des métropoles attire des populations de territoires voués à la désertification, ce qui ne peut qu’aggraver les déséquilibres au profit des lieux où s’accumulent les capitaux susceptibles d’y trouver intérêt. Au détriment de l’autonomie communale. Il serait temps de revenir à une reconquête de nos activités industrielles mais aussi agricoles et forestières, accessibles aux jeunes générations à condition d’en garantir la rentabilité à partir d’aides à l’installation et de débouchés par des circuits courts.
Même Toulon ne maîtrise plus les aménagements lourds, c’est la métropole ! Cela revient au même, direz-vous ? Oui car ici, comme les communes sont, à une exception près, de la même sensibilité que le maire de Toulon, celui-ci dispose de pouvoirs étendus sur l’aménagement du littoral où vit la moitié de la population varoise.
A noter que le comité de pilotage (3) est uniquement institutionnel, comme le financement des travaux d’aménagement du port qui ne sauraient répondre qu’à des besoins d’intérêt public.
Le maire de Toulon agit comme s’il entendait faire de l’élection municipale prochaine, un plébiscite de son projet, lié à sa personne et engageant un éventuel successeur au cas où !
Il l’avait souligné début juillet : ” Il faut en effet que ce projet donne du lien à l’ensemble de la ville et à l’ensemble de notre territoire. ”
Telle est sa stratégie suggérée par sa précipitation : “voter pour moi si vous voulez que le port soit réaménagé dans l’intérêt de la commune et du territoire !”
Ce qui permet à Falco d’accélérer le pas et de confisquer le débat public jusqu’en mars prochain.
Or il ne s’agit pas d’être contre le réaménagement du port mais d’en connaître le contenu précis -“le diable se niche dans les détails“dit-on- et, éventuellement d’en déceler les intentions cachées. Après tout, ce sont des fonds publics qui vont le financer.
René Fredon
(1) https://metropoletpm.fr/actualites/de-mayol-a-pipady-nouvelles-etapes-franchies
(2) https://metropoletpm.fr/sites/new.tpm-agglo.fr/files/aap_mayol_pipady_cahier-charges.pdf
(3) Sont représentées au comité de pilotage :
.Le Ministère de la Défense,
- La Préfecture du Var,
- La Préfecture Maritime,
- La Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur,
- Le Département du Var,
- La Métropole TPM,
- La Ville de Toulon,
- La Ville de La Seyne-sur-Mer,
- La Ville de Saint-Mandrier-sur-Mer
- La Chambre de Commerce et d’Industrie du Var.