Quelques heures après l’annonce d’une première journée de grève interprofesionnelle contre la réforme des retraites, lancée pour le 5 décembre par la CGT, FO, Solidaires, la FSU et des organisations de jeunes FIDL, UNL, MNL, UNEF…le gouvernement laissait entendre qu’il pourrait “assouplir” la mise en oeuvre de sa réforme, l’étaler et même revoir la question des régimes spéciaux.
Mercredi 16 octobre, “le 20 h” de la 2 ouvrait son journal pour dire qu’un nouveau rapport de J-P Delevoye circulait, histoire de rassurer l’opinion et de lui faire croire que rien n’est bouclé et qu’on prendra peut être un peu plus de temps que prévu…de la com, quoi.
Par exemple, on pourrait retarder d’un ou deux ans la génération qui essuierait les plâtres de l’entrée en vigueur du nouveau système à points en 2025 qui est au coeur de la réforme qui casse notre système par répartition. Un système qui a fait ses preuves et qui garantit que nos retraites ne seront pas des masses financières livrées à la spéculation boursière comme cela s’est passé en 2008 aux Etats-Unis ruinant des millions de petits propriétaires, de retraités ou de titulaires d’assurances-vie.
Le gouvernement cherche à gagner du temps sans renoncer à son projet qui soulève un tollé d’oppositions dans toutes les catégories sociales qui combattent les remises en cause profondes, civilisationnelles, envisagées par Macron, des plus préjudiciables aux catégories de retraités les plus modestes mais aussi des catégories moyennes dont ils veulent supprimer les caisses complémentaires qu’ils se sont payées !
Seulement voilà, tous les gouvernements libéraux ou sociaux-libéraux se sont cassés les dents sur le sujet. Le gouvernement Mauroy avait abaissé l’âge de la retraite à 60 ans en 1982. Dès 1993, Balladur s’attaquait à ce qu’il présentait comme “la dérive des comptes…” puis Juppé en 1995 aux régimes spéciaux pour en maîtriser la masse des cotisations et la livrer aux marchés financiers. Il a échoué comme les autres tentatives qui ont suivi.
C’est que le système par points qu’ils ont concocté ne garantira plus une progression régulière de nos pensions, comme l’a toujoursfait notre système par répartition !
Deux facteurs plombent leurs arguments fallacieux sur l’allongement de la vie : leur choix de ne pas consacrer plus de 14% du PIB (aujourd’huui à 13,8%) aux dépenses de retraite, pour ne pas avoir à augmenter les cotisations patronales et l’obscession de réduire les dépenses publiques et sociales pour en faire profiter le capital et non répondre aux besoins des populations.
Notre sécu et son régime retraite ont besoin de répondre encore mieux aux évolutions, aux besoins des assurés, dans l’esprit de solidarité entre générations qui a présidé à sa fondation.
Rappelons qu’au 2è trimestre 2019 les entreprises du CAC 40 ont versé 46 milliards à leurs actionnaires, un record. Le maintien du chômage à un haut niveau, 8,5% fin août, en légère baisse, masque le développement du travail à temps partiel et de la précarité.
Chaque jour apporte son lot de fermetures d’entreprises dont la liste serait très longue, non compensées par la création d’emplois stables. D’où une perte énorme de cotisations sociales.
La pauvreté progresse en France
L’INSEE nous livre, le 16 octobre 2019, ses derniers constats concernant l’évolution, en hausse, de la pauvreté (moins de 1065 euros par mois pour un célibataire) : ils sont près de 500 000 de plus en 2018 qu’en 2017.
Au total 9,3 millions de personnes soit 14,7% de la population. L’INSSE l’impute à la forte augmentation des revenus financiers qui, mécaniquement, augmente le seuil de pauvreté fixé à 60% “du revenu médian”. Ainsi qu’à la baisse des APL.
Bien entendu les ministres se succèdent pour nous assainer avec un cynisme total, que “leurs réformes nous donnent du pouvoir d’achat parce qu’elles baissent nos impôts” ? Ils prennent aux plus modestes sur le nécessaire pour le transférer vers les plus riches à qui on a supprimé l’ISF et qui perçoivent des dizaines de milliards d’argent public tout en dissimulant au fisc-pour les plus gros- une grande partie de leurs profits !
D’ailleurs le budget 2020 se traduira par “moins d’argent pour la justice sociale, la justice fiscale et l’urgence climatique…” comme l’ont montré notamment les députés communistes par la voix de Fabien Roussel. Le taux d’imposition des grosses entreprises va encore baisser. Et les inégalités se creuser. On n’arrête pas le gouvernement des riches.
Un gouvernement qui n’a pas de majorité et qui commence à baisser la barre de ses ambitions de percée aux municipales. Préférant se rapprocher de candidats de sensibilités libérales de droite, du centre et d’ailleurs…où l’on cultive le “ni droite, ni gauche” ?
Il est d’autant plus en position de faiblesse que, comme le nuage de Tchernobyl, la dégradation des relations entre Etats au sein de l’Europe, au Moyen Orient et ailleurs, souligne l’impuissance à dissuader la Turquie de massacrer les Kurdes, pour ménager des intérêts mercantiles et statégiques.
Une situation lourde de conséquences. Qui s’ajoute à tous les fronts que le Macronisme a ouvert pour franchir une étape de plus dans la régression sociale et démocratique qu’il fait subir à la France profonde.
René Fredon