Si la Chine paraît tirée d’affaires tout en étant vigilante, nous n’avons pas atteint le pic de la pandémie, en France, en Europe et dans le reste du monde.  On en appréhende le bilan dont on sait qu’il sera d’ampleur exceptionnel en pertes humaines, vu la rapidité avec laquelle s’est propagé ce virus largement sous-estimé à ses débuts.

Une pandémie doublée d’une crise économique latente depuis celle de 2008 qui, du coup, a pris des proportions de tsunami. L’ultra-libéralisme, décrété alors par les Etats occidentaux les plus riches, s’est lancé dans le “tout marché, moins d’Etat”, le dépeçage des biens publics à travers les privatisations, le “enrichissez-vous” par des profits records. Ils ont délibérément démantelé les hôpitaux publics mis aujourd’hui en grande difficulté pour faire face au déferlement de contaminés et de victimes.

Les conséquences économiques sont énormes et nécessitent des financements colossaux  après l’arrêt partiel de l’activité économique entraînant des pertes énormes de chiffres d’affaires et des aides publiques d’exception pour les compenser (individus et entreprises)

Parce qu’on est loin de la sortie d’une telle crise, nous ne pouvons échapper à une remise en question, pays par pays, des circonstances globales et nationales qui expliquent un tel échec face à cette pandémie. Sans occulter les responsabilités directes des gestionnaires de ces politiques de santé menées de longue date. Au détriment des plus fragiles qui seront encore plus nombreux dans les pays où la protection sanitaire est la plus défaillante.

Macron n’a pas tardé à souligner que, face à une telle situation, “après ne serait pas comme avant”...Il ne risquait pas de se tromper mais le pire n’est pas à exclure ! Pour l’éviter faudrait-il le suivre, dans le consensus national, pour une sortie “harmonieuse” ? Il a de l’expérience sur la question en “bon  réformateur” d’un système de soins qui n’a cessé de régresser.

Sa vision, comme on le voit avec la “réforme” suspendue des retraites, ne peut pas coïncider avec les intérêts de la nation et des victimes des politiques d’austérité.

Tout à l’action quotidienne, il entend bien rester à l’initiative après le confinement. Il dispose des pleins pouvoirs pour réduire encore les libertés fondamentales sur fond de climat social qui a toutes les chances de se dégrader rapidement, vu l’ampleur de la catastrophe sanitaire et économique, l’endettement auquel le pouvoir est contraint par les circonstances et qu’il faudra bien faire payer…soit au capital, soit au travail !

Le noeud du problème

 Il ne peut y avoir de consensus sur l’emprise du libéralisme et le maintien de ses critères si l’on veut sortir d’une récession qui s’annonce violente, de dimension mondiale et de longue durée. Les banques et la finance ne peuvent le masquer.

Il ne s’agit pas de renouveler la réponse que les mêmes Etats ont apportée, en 2008, aux banques en faillite, suite à la crise des subprimes, en socialisant leurs pertes et en renforçant la dictature des marchés selon les dogmes bien connus : “la dérèglementation, la régulation par le marché, le libre échange pour la mondialisation heureuse”

 L’économie mondiale n’a pas attendu le coronavirus pour donner des signes d’une fièvre persistante avec fléchissements de la croissance (ce qui n’est pas forcément une tare), des capitaux financiers qui s’accumulent sans débouché, un endettement des entreprises privées, des inégalités qui se creusent, des banques centrales qui baissent leurs taux pour stimuler l’endettement, des profits qui vont aux dividendes et non aux investissements utiles, la guerre commerciale initiée par Trump…

L’incidence du covid 19 accélère une récession annoncée et une recrudescence rapide du chômage. En un jour, aux E-U, en ce début avril, le taux de chômage est passé de 3,5% à 9% : considérable !

A l’échelle mondiale, selon le baromètre Coface, 39% des entreprises américaines seraient défaillantes, 33% au Royaume uni, 18% en Italie, 15% en France, 11% en Allemagne

En France l’INSEE estime que, fin mars, “l’économie tourne 35% en dessous de sa capacité moyenne, la construction perd 75% de sa production, l’emploi se replie fortement, la consommation des ménages recule de 35% et le PIB de 6 % au 1er trimestre !..”Confirmé par la banque de France.(3)

Macron  a beaucoup promis. Il veillera à coup sûr aux aides destinées à soutenir les profits momentanément écornés. Agriculteurs familiaux, commerçants et artisans, PME, c’est déjà vital le plus souvent, même en temps ordinaire. Idem les aides pour compenser les pertes de revenus des salariés et de leurs familles. La rétention des dividendes distribués en 2020 ne suscite guère l’enthousiasme, pas plus que la transparence.

Pas de consensus pour la suite

Le temps n’est pas venu pour engager la sortie de crise, nous dit Macron qui ne pense qu’à ça mais ses “fantassins” s’entraînent et ont crée “le jour d’après“pour agréger les bonnes volontés autour de LREM…et ça va jusqu’à Laurent Berger.(2)

Ce n’est pas à Macron, juge et partie, que les forces vives -celles que l’on honore  chaque jour, qui affrontent le virus, avec leur savoir-faire, leur conscience, leur courage, leur humanité- peuvent s’en remettre pour construire leur avenir, celui de notre système de santé mais aussi de protection sociale intimement liée et de tant d’autres aspirations.

D’autant que c’est toute l’économie, le social, l’environnement et le politique qui sont au pied d’une catastrophe et le mot n’est pas excessif, il ne s’agit pas d’effrayer mais de prendre la dimension de ce qui est en jeu.

Ce ne sont pas les peuples qui ont provoqué et géré les pénuries de notre système de soins. Elles leur ont été imposées. Plus ils sont dans la précarité, plus ils sont vulnérables. Ils n’ont pas à payer l’addition du productivisme irresponsable qui rapporte tant à quelques-uns tout en creusant les inégalités avec les plus fragiles.

Ils ne suivront pas les pilleurs de la planète sans une résistance farouche aux plans que les géants de la finance concoctent pour retrouver leurs tas d’or et leur domination.
Le président des riches règne par ordonnances et impose des règles de régression sociale (temps de travail, congés payés, chômage…), et de répression qui peuvent lui être utiles pour prolonger l’état d’urgence.

Comment pourrions-nous nous laisser berner par le fait que nous serions tous égaux parce  que tous menacés par le même virus ? On est inégaux plus encore devant la maladie et les virus. Même si on est mieux protégés en France malgré les atteintes portées à notre système public de santé depuis 40 ans

L’état des lieux à gauche et chez les écologistes

La résistance politique, atténuée par les circonstances, n’en est pas moins réelle et la sortie de crise bien évidemment dans toutes les têtes. Yannick Jadot, le candidat des Verts à la présidentielle parle d’un “Grenelle du monde d’après” repris par Julien Bayou en lien avec les questions du climat et d’un autre mode de production “vers le zéro carbone” permettant d’atteindre les objectifs de réduction des gaz à effets de serre.

Une pétition circule, “plus jamais ça, signons pour le jour d’après” initiée par Oxfam et 15 syndicats nationaux, associations écologistes et humanitaires(1)

Pour Générations S, Guillaume Balas, le coordinateur, “une phase de l’histoire de la mondialisation s’achève…Pas de rupture avec le productivisme sans remettre en cause la doctrine libérale, le libre échange, voire le modèle capitaliste...” Pour lui, “le revenu universel serait un filet de sécurité pour des gens qui n’ont pas les moyens de leur survie.

 Un grand plan d’investissement européen orienté vers les transitions écologiques, une autre répartition des richesses, une autre fiscalité qui taxe les dividendes et dissuade la spéculation...Il propose de mettre en place une rencontre permanente des organisations écologistes et de gauche, des syndicats et associations pour évaluer la crise et les moyens d’y répondre.

Pour le NPA Olivier Besancenot, “au choc qui nous est promis et qui peut être pire que le jour d’avant, il faut y opposer un choc de solidarité…une réappropriation collective et publique est à inventer, notamment pour que l’industrie réponde aux besoins sociaux…il faut exproprier des intérêts privés de certains secteurs trop importants pour les laisser à la logique folle de l’économie…autrement dit qui aura la main dans le monde d’après ?

A commencer par les services publics de santé : les ouvertures de lits, les milliers d’embauches et le matériel nécessaire…

 Il propose de lever ici et maintenant la loi d’urgence qui permet de gouverner par ordonnances et décrets et de concentrer encore plus de pouvoirs. Pour en finir avec une Vè République, mettons en chantier une République qui fonctionne du bas vers le haut et d’étendre cela aux entreprises. Et que toutes les forces sociales, politiques et syndicales s’unissent pour de bon !”

 Pour la FI Adrien Quatremens propose un “gouvernement de salut commun” après avoir précisé que “nous combattons les effets d’un virus sur un modèle économique qui a tout fragilisé, tout détruit et nous a mis en situation de vulnérabilité…”Cette crise est l’échec de ceux qui ont préféré le libre marché à l’Etat, la concurrence à la coopération, le libre-échange à la relocalisation de la production.

Dès le confinement nous avons publié un document en 11 mesures d’urgence pour remettre l’hôpital sur pied, nationaliser et réquisitionner des entreprises stratégiques, comme Luxfer et Famar (Qu’attend le gouvernement ?) Nous avons lancé une pétition pour le rétablissement de l’ISF et proposé un pôle public du médicament et notre groupe travaille beaucoup sur les auditions…La France Insoumise est prête à la jonction entre le monde associatif, syndical et politique…”

 Pour le PS, Boris Vallaud, veut “rétablir un rapport de forces avec la puissance privée et démontrer que la démocratie peut surmonter ce désordre...” (Est-ce bien une “démocratie” et n’est-ce bien qu’un “désordre”?)…avec un parlement fort dans une 6è République…les plus frappés par la crise seront aussi les plus fragilisés. Il faut augmenter tous les minimas sociaux et accompagner les familles qui ont des conditions matérielles difficiles.

L’UE est au pied du mur, il faut mutualiser l’ISF et que la BCE monétise la dette…En ce moment tout le monde parle à tout le monde, il faut en profiter pour faire face à cette crise profonde, en particulier à la question sociale et pouvoir donner des perspectives…”

Pour le PCF, Fabien Roussel, l’idéal communiste est plus que jamais d’actualité…” il estime “qu’il est possible de financer tout de suite la reconquête des services publics… cette crise révèle en fait tout ce qui nous manque pour faire face à une telle pandémie…le capitalisme a considérablement réduit le rôle de l’Etat, affaibli nos services publics et encouragé la délocalisation, notamment dans la prodution des médicaments…Nous voulons retrouver notre souveraineté économique…

Chaque citoyen doit être protégé tout au long de sa vie, de l’école jusqu’à la retraite, avec un travail et un salaire dignes…

La situation montre le besoin de coopération à l’échelle de l’Europe et du monde. La BCE doit alimenter un fonds dédié à l’emploi, aux services publics à des filières plutôt qu’aux marchés financiers. Pas d’exonération sans contrepartie, 10 mds pour les hôpitaux, taxer les dividendes de 40 à 75%…

Comme pour les retraites, la mobilisation de l’ensemble des forces sociales, politiques, intellectuelles est indispensable...sur des contenus exigeants, non sur les plus petits dénominateurs communs pour sortir de la crise sanitaire ainsi que sur le nouveau modèle de production et de consommation dont l’humanité a besoin.”

 Ce qui sera déterminant ce ne sont pas les accords de sommet mais l’intervention citoyenne pour que s’ouvrent en grand les débats sur les contenus, les initiatives, les actions à partir de l’entreprise, du lycée, de la fac, du quartier, de la ville, du village…

En attendant, armons-nous de patience et de discipline pour éradiquer le virus. En même temps que de solidarité avec les personnels soignants et non-soignants particulièrement exposés.

René Fredon

(1) https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/plus-jamais-ca-ensemble-pour-jour-dapres/?utm_medium=email&utm_campaign=Plus%20jamais%20a%20-%20Lancement%20ptition&utm_content=Plus%20jamais%20a%20-%20Lancement%20ptition+Version+A+CID_1b2ae9aff4701157f6b6e4f5aa2ccf0a&utm_source=Campaign%20Monitor&utm_term=Je%20soutiens%20les%20solutions%20du%20Jour%20daprs

(2) http://www.tv83.info/2020/04/04/60-parlementaires-se-moquent-de-vous/

(3)https://www.econostrum.info/La-France-se-trouve-en-recession-avec-une-chute-de-6-de-son-PIB_a26685.html

 

 

 

 

L’après crise, c’est demain ,L’affaire de tous et de chacun..