Ils ont fait donner la grosse artillerie jeudi à 18 h : Castex, Véran, Blanquer, Darmarin…pour nous annoncer que tout était sous contrôle et que, malgré qu’on soit au plus haut d’une haute vague qui n’en finit pas, nos augures ont tenu à dévoiler leur plan de levée des contraintes, comme s’ils avaient la certitude que le plus gros était derrière nous.
Castex a été très clair : “nous avons atteint le sommet de la vague…” Donc ça ne peut qu’aller mieux ! Tout le monde a envie d’entendre de telles nouvelles. Les bonnes surtout. Mais ce que chacun peut vérifier ressemble à la célébre fin de la fable de La Fontaine : “il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant qu’on ne l’ait mis par terre”.
Une chose est de paraître optimiste, autre chose de nous faire croire qu’il est temps de décréter la décrue assurée de la pandémie aux premiers frémissements de quelques indices de stabilisation alors que les indicateurs confirment le contraire : 34 968 nouveaux cas en 24 h ce jeudi, ce qui fait de la France le 4è pays au monde en nombre de nouveaux cas depuis l’origine, soit 5 374 288, après les Etats-Unis, l’Inde, le Brésil ! Trois grands pays qui ont fait preuve de laxisme, voire de négationnisme et beaucoup tardé à mesurer l’ampleur de la pandémie et c’est un euphémisme.
L’accélération de ces derniers mois ne réjouit personne mais ça devrait tempérer l’assurance de ceux qui, en France, se prennent pour des gestionnaires avisés après avoir largement sous-estimé la pandémie à ces débuts, décrété que les masques ne servaient à rien quand on n’avait plus de stock et tenu des discours incohérents dictés par l’indice de popularité et sans rien changer, au bout d’un an, à la politique de santé dictée -comme celle de l’ensemble du secteur public- par la réduction des dépenses publiques.
L’éxécutif a sciemment maintenu la pénurie de lits et de personnels aux effets désastreux sur la santé des patients et sur celle des personnels soignants et non soignants. On en est arrivé au report des interventions planifiées autres que les urgences relatives à la covid ! Les responsables sont au pouvoir, leur gestion libérale s’avère socialement inefficace !
Evidemment c’est tout ce dont ils ne veulent pas parler. Ils sont les seuls à s’exprimer et à prendre des décisions, validées par le chef, que le sous-chef met en place et justifie au nom des pleins pouvoirs sans cesse renouvelés par une chambre aux ordres.
On pourrait évoquer le laxisme des contrôles dans les aéroports, comme celui récent, à la mi-avril, un groupe de 40 étudiants indiens transitant par Roissy et dont vingt sont contaminés à leur arrivée en Belgique.
Et ajouter les scandales de la vaccination que les laboratoires privés pilotent au mieux de leurs intérêts et ne feront tout pour que les brevets restent leur propriété et ne deviennent pas des biens communs, le contraire d’objets de profits spéculatifs énormes au gré des marchés financiers. Un scandale qui n’indigne pas du tout le chef de l’Etat, sa majorité et les conservateurs de tous poils. Pas plus que l’UE.
Les pays fabriquant les premiers vaccins (Etats-Unis-Royaume-Uni) se sont accaparés en premier les doses et creusé encore les inégalités d’accès aux vaccins, donc à la santé. Ce que les progrès technologiques devraient réduire dans un monde solidaire où la coopération prendrait le pas sur la guerre commerciale qui nourrit les guerres tout court.
Le plat de résistance
Mais, pour cette annonce optimiste qui, dans un premier temps, supprime la restriction des 10 km et confirme l’ouverture dès écoles le 26-4, à distance pour les collégiens, les lycées et le supérieur plus tard…il manquait un ministre essentiel, celui des finances : Bruno Le Maire
Il avait reçu dans la matinée les “partenaires” sociaux (tous n’en sont pas !) pour les préparer à une vision moins idylique de l’avenir à court terme : la réduction -avant la fin- des aides publiques ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le “quoi qu’il en coûte”, c’est fini. Lui se permet de le dire, pas encore Macron.
Il a une idée assez pragmatique de la chose. “On ne peut plus continuer à ce rythme” plaide-t-il. Mais “si les entreprises pourront continuer à bénéficier du soutien des pouvoirs publics, tant que les règles sanitaires leur seront imposées.”..il n’en sera pas de même des salarié.es et du niveau de leurs indemnités de chômage partiel ou total.
Déjà la loi sur l’assurance-chômage “retravaillée” prendra effet au 1er juillet 2021et promet de nouvelles régressions en termes de pouvoir d’achat. Comme la baisse de l’assurance-chômage de 30% au bout de 8 mois puis dégressive jusqu’à ce que le marché du travail s’améliore ?? Un nouveau mode de calcul avec hausse du seuil d’accès aux allocations. Un mode de calcul dont la CGT avait obtenu l’annulation par le conseil d’Etat en novembre dernier.
L’indemnisation du salarié subirait des coupes sombres dont le montant évoluerait en fonction de la levée des restrictions sanitaires.
Le ministre des finances et celle du travail restent prudents sur les chiffres mais ne changent pas de direction. Comme pour les contraintes sanitaires, ils essaient de masquer les dégâts sociaux qu’ils s’apprêtent à faire chez les salariés.es les plus précaires mais aussi sur l’ensemble du salariat et des professions du tourisme, des bars et restaurants, du monde de la culture et du sport.
Et nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire, encore moins de la crise économique et sociale qui se dessinait avant et qui s’annonce de grande ampleur.
Sans parler des lois liberticides, sécuritaires et autres qui se multiplient…tandis que les profits des géants de l’économie s’étalent cyniquement sous le nez des victimes de la pandémie.
Le niveau atteint par le CAC 40 ne doit pas faire illusion. Il confirme qu’il y a bien deux mondes qui s’affrontent : celui des affairistes, des spéculateurs, des exploiteurs…face à celui des peuples dont l’accès à une vie digne et décente est refusé parce que les richesses sont accaparées par les premiers qui s’attribuent la part du lion et ne veulent pas lâcher le pouvoir
Ils n’agissent qu’avec l’ambition de “revenir à la normale”, c’est-à-dire sous leur coupe, donc sans changer de politique. Alors qu’il y a urgence à nous libérer de la dictature de l’argent ainsi que de ceux qui le possèdent et/ou le servent.
René Fredon