Tennis : Roland Garros happé par le sport-business
Il y a sans nul doute des sujets bien plus importants en ces temps tellement incertains où le camp de l’affairisme aux commandes met le peuple à rude épreuve tout en justifiant des choix qui ne peuvent que nous enfoncer un peu plus dans la précarité et les inégalités. Et à retarder les mesures urgentes de réduction de nos émissions de CO2 et de protection de la bio-diversité bien mal en point.
Ce qui fait dire à Yannick Arthus-Bertrand que “la finance n’est pas au service de la planète, c’est la planète qui est au service de la finance” tout en évitant de mieux nommer ce constat qui accuse les intérêts privés dominants, prédateurs et profiteurs à la fois.
Ce qui se passe à Roland Garros est une illustration de l’emprise de la finance sur tous les domaines de la vie : de la production en passant par la consommation, y compris de spectacles sportifs à travers l’intrusion toujours plus prégnante de puissants intérêts privés dans le monde des médias où fleurissent les chaînes cryptées auxquelles seraient abonnés 54% des téléspectateurs.
Avec deux objectifs : faire de tout un objet de profits pour quelques-uns en même temps que faire de nous des consommateurs “éclairés” par leurs publicités de plus en plus envahissantes et abêtissantes !
Il y a encore peu, avant la pandémie, les chaînes publiques étaient mobilisées pour retransmettre, gratuitement et en direct, pratiquement tous les matchs pendant deux semaines, faisant de cette compétition l’une des grandes manifestations sportives en France, avec le Tour de France qui, grâce à la télévision, atteignait toutes les catégories sociales tenues en haleine par la dramaturgie propre à ce sport très télégénique.
Une certaine démocratisation s’en était suivie dans la pratique de ce sport longtemps considéré comme un sport élitiste comme l’est resté le golf ou l’équitation malgré une couverture médiatique non négligeable. Les retransmissions de Roland Garros durant 15 jours en ont fait un sport populaire, ce qui s’est traduit par un afflux d’adhérents aux clubs qui rêvaient d’imiter leurs idoles et, pourquoi pas, d’accéder un jour à ce temple du tennis ?
Le mépris des téléspectateurs de l’audiovisuel public
Pour la première fois depuis 1987 la direction du tournoi, que préside Guy Forget, ancien joueur de haut niveau et capitaine de l’équipe de France, a sous-traité au géant, Amazon, la retransmission exclusive et payante de matchs entre stars les mieux cotées, en nocturne et sans public puisque le “couvre-feu” oblige à ce qu’il n’y ait pas de public après 21 h. Mais il n’oblige pas à sous-traiter les retransmissions.
Vous me direz que les sports professionnels les plus populaires (foot, rugby, basket, cyclisme…) sont passés depuis un certain temps, en tout ou partie, sous les fourches caudines du sport-business et des chaînes cryptées payantes, de plus en plus nombreuses, dont les tarifs constituent une taxe supplémentaire volontaire et mensuelle de plusieurs dizaines d’euros, par chaîne, ce qui limite l’accès à bien des budgets modestes.
Avec un développement constant des publicités pour les jeux d’argent – y compris les paris sportifs sur chaque match- les prélèvements globaux sont assez considérables et évoluent de pair avec la crise, étant fondés sur la culture du risque et l’attraction de l’argent qu’on ne peut avoir que si on est audacieux. C’est bien connu, il suffit de traverser la rue… Ce système nous invite à tenter notre chance et à braver les lois de la probabilité. Il nous inculque le culte de la bonne étoile : être riche, donc puissant.
Les finances de la fédération de tennis ne sont pas au mieux, ayant perdu 30% de ses effectifs en 30 ans, comme aujourd’hui celles de tous les clubs amateurs privés de terrains et de salles, ainsi que chez les professionnels privés de recettes alors que le marché aux joueurs fait monter les enchères !
Toujours à l’affût de bonnes affaires, Amazon avait négocié l’exclusivité de ces rencontres nocturnes entre vedettes du tennis. On peut même se demander s’il ne les avait pas imposées ? C’est ainsi que la première nocturne opposait Nadal à Gasquet à 21 h qui devait “casser la baraque” de l’audience et ferait rentrer les abonnements grâce au nouveau “monstre” de la finance dont le PGG, Jeff Bezos annonce une richesse personnelle-record de 436 milliards de $ ! Il prend déjà les commandes pour les prochains voyages spatiaux privés bien sûr.
On sent venir le jour où toute retransmission des sports de haut niveau comme aux rendez-vous culturels de masse, passera par des chaînes cryptées ! Au nom de “la concurrence libre et non faussée” disent-ils ???
Pendant ce temps, nos petits clubs amateurs -encadré par des bénévoles- voient leurs subventions stagner ou baisser ainsi que leurs effectifs, privés d’entraînements et de rencontres sportives.
La faute au covid ? Sans doute mais le covid, comment et pourquoi a-t-il pu évoluer à cette cadence : fatalité ou non ? L’OMS considère que le nombre des victimes dans le monde, n’est pas celui des relevés quotidiens (3,8 millions morts) mais “deux à trois fois plus”, c’est-à-dire entre 8 et 10 millions ! L’éradication dans le monde n’est pas pour demain. Les J.O au Japon dans 6 semaines -s’ils sont confirmés- se dérouleront sans public et avec le renoncement discret d’athlètes inquiets.
Mais revenons à “Roland” comme disent les branchés. Il dépend du bon vouloir du monde des affaires, ce n’est pas un scoop. En l’occurrence il dépend de plus en plus des sponsors qui financent les équipes et influent donc sur les rentrées d’argent. Ils passent aussi par l’exclusivité des télés payantes et tiennent les clubs sous leurs exigences de résultats. L’Etat encourage cette orientation. Rien que de plus logique dans ce système néolibéral pour lequel faire toujours plus d’argent reste la règle n°1 de toute activité humaine, quels qu’en soient les moyens.
En ces temps de régressions sociales et écologiques avérées, mêlons-nous de nos affaires et de l’avenir de nos enfants et de notre jeunesse. Il passe par le service public d’Education nationale, la formation mais aussi par l’accès aux sports et aux activités artistiques, dès l’école primaire. Puis par la richesse d’un mouvement sportif essentiel pour transmettre les valeurs de la pratique sportive source de bien-être physique et moral, de respect de l’autre, d’honnêteté, de solidarité, d’esprit d’équipe, de ténacité…
N’est-ce pas une raison en elle-même pour remettre en question les valeurs dominantes véhiculées par la recherche de la performance physique…et financière au très haut niveau. La base étant livrée au bon-vouloir des parents et des élus locaux. Alors qu’elle constitue, pour une gauche révolutionnaire, le fondement d’une politique sportive de masse, partie intégrante de la culture et de l’éducation. Plus elle sera privilégiée avec des éducateurs.trices et entraîneurs formés, pris en considération, plus elle donnera naissance à des athlètes de haut niveau dans toutes les disciplines, représentant leur club, leur région, leur pays.
Non pas pour devenir à leur tour une petite élite de privilégiés de la fortune grâce à des gains totalement disproportionnés -dont ils ne sont pas responsables-, mais des sportifs qui pourront, après, s’ils le désirent, encadrer leur sport, à tous les niveaux, et transmettre leur technique individuelle et collective en même temps que partager le plaisir d’avoir accompli un parcours sportif sain et stimulant.
Et moins il y aura d’incivilités, d’addictions, de violences dans la société et dans les clubs, certes minoritaires. Mais nous ne pouvons perdre de vue les ravages du dopage et des violences sexuelles sur mineurs que des dirigeants de clubs et de fédérations ont couverts de leur silence pour ne pas nuire à leur discipline ? Tant pis pour les enfants et leurs familles marqués à vie !!!
Vu sous cet angle, le sport et le sport-business sont aussi incompatibles que le libéralisme l’est avec la transformation sociale et écologique de notre ville comme du monde entier.
Les 20 et 27 juin, évitons les pièges et les querelles médiatiques de façade. Il y a des candidats et des listes progressistes…
René Fredon
Le service des urgences à ROLLAND GAROS (soit 9 chirurgiens ,8 urgentistes ,9 échographistes , 2 radiologues , 31 kinés ,20 infirmières) , c’est tout cela au service des joueurs professionnels et des spectateurs qui payent leur place plus 200 euros par jour sur le court central .. Alors que l’hôpital public est démembré sur notre territoire et n’a pas ses moyens humains ou logistiques à sa disposition.
Christian BARLO