Régionales et départementales 2ème tour
L’abstention domine le scrutin…qui profite aux sortants
De 66,7% au 1er tour, l’abstention a été à peine réduite au second tour et demeure le phénomène le plus inquiétant de cette double consultation à moins d’un an de la présidentielle de 2022.
Que valent les titres dithyrambiques du type : “Muselier triomphe avec une confortable avance” (V-M de ce jour 28/6) Mais pas un chiffre pour rappeler la perte de voix du même candidat par rapport à 2015 ainsi que des perdants du reste.
Que valent les pourcentages affichés par les “vainqueurs” de ce 2è tour lorsque deux électeurs sur trois ne se déplacent pas ? Leur pourcentage est à diviser par trois pour apprécier leur légitimité politique réelle par rapport aux inscrits. On est dans une véritable asphyxie de la démocratie
Cette donnée centrale va peser désormais comme un boulet et à tous les niveaux de nos territoires. Ce ne sont pas les quelques 2 ou 3% d’électeurs.ices venus au 2è tour faire barrage au RN qui changent la donne. On savait notre “démocratie” malade de la course aux profits pour une minorité, des privatisations de services publics au programme de toutes les formations de droite et d’extrême-droite, engendrant chômage et précarité, moindres revenus…mais ce n’était pas à l’ordre du jour.
On pourra toujours se satisfaire de l’échec du RN, à commencer en PACA où, comme au 1er tour, il était donné au coude à coude avec le président LR sortant, réélu plus largement que prévu par les sondages. Sauf que les idées d’extrême-droite nauséabondes, nationalistes et racistes, ont largement inspiré les tenants du pouvoir et des LR en matière sécuritaire et identitaire notamment mais aussi sociale, sociétale, environnementale, sanitaire…sans parler de la politique étrangère alignée sur l’OTAN et les USA à la recherche d’un nouveau souffle de puissance dominante de toute la planète. Et qui réactive la guerre froide contre la Chine.
La campagne électorale au ras-des-pâquerettes aura permis aux sortants LR de renforcer leur mainmise sur les départements et les régions au détriment, ici, du RN qui n’aura plus qu’un élu au conseil départemental du Var et en perd plusieurs au conseil régional, les deux désormais bipolaires. Mais c’est surtout au détriment de la démocratie et d’une représentativité véritablement pluraliste.
Avant le vote, Muselier a promis à la liste de gauche et écologiste de lui permettre d’exister sous la forme d’une sorte de conseil consultatif qui pourrait avant chaque séance des assemblées plénières du conseil régional faire des propositions…si le président les retient. Qui vivra verra.
Une manière de renvoyer la balle pour le retrait de cette liste après l’annonce de son leader qui voterait pour lui, ce qui s’apparentait à un désistement collectif, après avoir déclaré le soir du scrutin, que la liste se maintiendrait.
Oubliés les arguments du 1er tour contre un président qui se faisait le chantre de la mise en concurrence de la SNCF pour privatiser les TER, sous prétexte d’appliquer les règles fixées par l’UE ! Oubliée la fronde des maires LR contre le logement social et la loi SRU pour répondre aux exigences de la spéculation immobilière. Oubliées les promesses écologistes alors que les boues rouges continuent d’être rejetées au large de Marseille, que se multiplient les décharges sauvages et que l’air vicié que nous respirons stagne sur nos villes côtières…
Nous pourrions ajouter tous les signaux discrets concernant la vision partagée des LR avec Macron que Muselier et les maires de Toulon et Nice, notamment, ont contacté pour qu’il n’y ait pas de liste LREM afin de résister à la menace du RN arrivé en tête au 1er tour, en 2021 comme en 2015.
La stratégie n’a pas plu à tous les notables LR du côté de Nice ainsi qu’au plan national. Mais après les règlements de comptes, tout est rentré dans le rang. Les adversaires d’hier se congratulent après l’épreuve dont ils se veulent les grands gagnants !…Sur fond d’abstention massive, y compris d’une partie de leur électorat de 2015. C’est vrai pour les élus de tous bords.
Ce qui demeure dans le Var et dans toute la région, c’est la domination accrue des idées véhiculées par le RN mais aussi partagées par toute une partie de la droite “classique «dont la porosité est évidente avec l’idéologie du RN. La preuve, c’est un ancien ministre de Sarkozy qui était tête de liste du RN ici ! Comme Le Chevallier à Toulon qui sortait du cabinet du ministre Poniatowski du parti républicain de Giscard-Léotard, à l’époque. Et tant d’autres.
Autre fait majeur : la gifle à Macron
Au chapitre des satisfactions : les bataillons de la macronie n’ont pas réussi à faire la moindre percée, que ce soit aux municipales, aux départementales et aux régionales. Ce qui en dit long sur l’appréciation de la politique du “surdoué” incompris de l’Elysée qui voit, pour la présidentielle, son duel annoncé avec la cheffe du RN, sérieusement remis en question.
Comment, les deux perdants de la séquence électorale de juin 2021 se retrouveraient face à face au 2è tour de la présientielle, incarnant l’un, un pouvoir libéral très contesté par un peuple déçu qui subit une politique antisociale insupportable, l’autre, un challenger tout autant libéral mais encore plus radical et dangereux selon sa conception de “l’ordre républicain” et de l’égalité des citoyens devant la loi mais aussi, le RN n’en parle guère, devant l’accès aux études, à la formation, au travail, au logement, à la culture…sans compter son rejet de l’autre, sa nostalgie des colonies et ses officines…sous-marines, si l’on peut dire.
Une situation nouvelle qui appelle une opposition de gauche et écologiste à sortir de l’ambiguïté pour répondre aux attentes profondes d’une population qui n’a plus confiance dans ses élus, à tous les niveaux. Opposition avec un projet, un but, une perspective qui affiche sa volonté d’affronter les causes et les responsables de la crise profonde et mondiale loin d’être derrière nous. Ils continuent à pratiquer la méthode Coué : “c’est le meilleur des systèmes, pas question de le remettre en cause, il en a traversé des crises, il sortira de celle-là…l’écologie n’est ni de gauche, ni de droite etc…”
C’est ce projet de société qui manque à une gauche émiettée qui, au lieu de proposer une issue sérieuse à la crise du capitalisme, préfère, par le jeu d’alliances de circonstances, reprendre des couleurs sur le terrain électoral. Décourageant son propre électorat.
Que le débat s’engage, en même temps que s’amplifient les luttes, pour que les citoyens prennent en mains leur destinée en résistant aux projets funestes d’ores et déjà annoncés et en “pesant” sur l’élaboration d’une transition sociale et écologique à la hauteur des exigences populaires et des nécessités que nous rappellent les scientifiques en matière de dérèglement climatique.
Les Français.es ne sont pas condamnés à choisir entre des nuances de conservatisme conduisant aux dérives fascisantes d’une ultra-droite en tenue de camouflage. Mais invités à renouer avec les traditions révolutionnaires s’émancipant de toutes les oppressions et injustices qui n’ont que trop duré.
René Fredon