A propos de Taïwan, de la Chine et du PCF
La visite de Nancy Pelosi, présidente de la chambre des représentants des E-U, à Taïwan fait l’objet d’un traitement médiatique binaire : ou on soutient l’initiative et on est dans le camp occidental de la “liberté”, ou on y voit une provocation américaine qui alimente sa stratégie de dénigrement systématique de la Chine et on est des inconditionnels à son service ?
Le bien d’un côté, le mal de l’autre, c’est sans doute la conception américaine de la coexistence pacifique qui installe des bases de l’OTAN à la frontière de la Russie pourtant redevenue capitaliste et qui joue au pompier-pyromane en Ukraine, ce qui n’enlève rien à la responsabilité de la Russie, déclenchant une guerre sanglante aux conséquences mondiales considérables et qui se poursuit dans un contexte de plus en plus dégradé.
A Taïwan, les Américains avaient reconnu que l’île où s’était réfugié le vaincu, Tchang Kai Chek renversé par la révolution des communistes chinois de Mao Tse Toung en 1949, faisait partie de la République populaire de Chine. De Gaulle l’avait aussi proclamé.
Mais l’ancien président déchu, très conservateur, suivi par ses troupes et une minorité de la population, ne l’entendit pas de cette oreille et, suivi par son fils à sa mort, ils refusèrent le principe d’un état, deux systèmes, qui leur était proposé et se comportèrent en gouverneurs de l’île comme s’ils en avaient hérité.
Puis ils firent plébisciter leur pouvoir, une formalité vu les circonstances, et tentèrent même d’être reconnus et représentés à l’ONU. Ce qui n’a jamais été le cas. L’impérialisme américain a vite changé son fusil d’épaule pour venir au secours de cette rebellion, la Chine réduisant son influence économique et sa domination.
La présence annoncée de N. Pelosi ne pouvait pas être autre chose qu’une provocation au regard des Chinois qui ne renonceront jamais à ce que Taïwan ne fasse plus partie de la Chine. Ils n’ont jamais cherché à utiliser la force pour résoudre le problème. Ils ne peuvent accepter la pression des Etats-Unis, venus sur place leur faire savoir qu’ils étaient aux côtés d’une sécession installée depuis trois générations.
Qui se mêle des affaires des autres en venant chez eux ? Ce ne sont pas les Chinois, tout de même. Certes, on aura remarqué qu’ils font de l’ombre aux E-U par leur dynamisme qui les place à un haut niveau mondial, ils détiennent une partie non négligeable de leur dette faramineuse 30 000 milliards de $, mais ils ne se placent pas sous leur tutelle dominatrice et va-t-en-guerre. Les USA n’ont que faire avec le droit international, l’embargo à Cuba, le soutien à l’apartheid de l’Etat d’Israêl et leur comportement dans les territoires palestiniens, le soutien à l’Arabie Saoudite intervenant au Yemen toujours en guerre…la liste est longue.
Mélenchon a dit des choses sensées sur cette provocation manifeste des E-U quand il déclare que : “Les Chinois règleront le problème entre eux. Il n’y a pas d’autre issue raisonnable possible. Mais on voit bien comment les USA veulent ouvrir un nouveau front…”
Il a été l’objet d’un lynchage médiatique sur ses appréciations qui diviseraient la gauche. Doublé d’un silence total sur le positionnement du PCF sur le sujet, comme s’il n’avait rien à dire et se trouvait dans l’embarras comme le montre un texte du 4 août de son secteur international :
“La visite de N. Pelosi s’avère une provocation inconséquente dans une situation mondiale déjà particulièrement dangereuse…elle s’inscrit dans une stratégie de la Maison-Blanche de confrontation délibérée avec la Chine. Faire le choix d’envenimer les relations entre Taïwan et Beijing, pour « voir si cette dernière bluffe » ainsi que le déclare un représentant taïwanais dans la presse, c’est faire le pari du pire et ouvrir la voie à une escalade militaire qui n’augure rien de bon pour aucun des peuples de la région Asie-Pacifique.
La remise en cause, par des démonstrations de force ou des menaces, du principe d’ « une seule Chine » (la République populaire de Chine proclamée en 1949) reconnu par l’ONU, y compris les Etats-Unis, alimente des processus de déstabilisation régionale dont nul ne saurait maîtriser les conséquences ni les répercussions internationales.
Ce qui doit primer c’est l’intérêt commun aux peuples et Etats de la région de garantir une coexistence pacifique. C’est le parti que doit prendre la France pour qu’en Asie-Pacifique, comme en Europe, émerge un cadre inclusif de coopération et de sécurité collective, promouvant le désarmement et la dénucléarisation ainsi que le respect universel des droits humains, politiques et sociaux.”
Mais qui s’intéresse, dans les médias appartenant aux milliardaires ou dans ceux, plus libres de ton, qui cherchent à opposer les uns aux autres et à discréditer la gauche ? Comme si on ne savait pas que la NUPES n’est pas un bloc idéologique aligné dans tous les domaines mais une coalition progressiste au service de l’intérêt général visant une transformation sociale et écologique face au rouleau compresseur libéral qui creuse les inégalités et s’avère incapable d’affronter les enjeux climatiques.
Une coalition qui ne perd pas de vue que ce sont les peuples qui paient l’addition des mesures d’austérité tandis que les actionnaires encaissent les superprofits que la droite unie (Macron-LR) et le RN ne veulent même pas taxer ! Pas plus qu’ils ne veulent augmenter le SMIC, les salaires et la protection sociale.
Cela fait 40 ans que ça dure la fin de l’indexation des salaires sur les prix en France, elle n’a pas attendu la guerre en Ukraine qui accélère le mouvement et qui le justifie par le fait que nous serions en “économie de guerre” ! Comme si c’était la première, en Europe et ailleurs depuis les années 80 ?
Le monde est multipolaire et les Etats de plus en plus multiculturels. Le défi climatique n’est pas compatible avec des investissements colossaux perdus (pas pour tout le monde) dans le surarmement nucléaire au détriment des mesures à prendre, de très grande échelle, pour sauver la planète et les espèces vivantes par un changement de système productif et de mode vie pour cesser de polluer notre envrironnement. Et ce, compte tenu de l’évolution de la population, nous allons vers les 10 milliards d’habitants !
Les deux plus puissants Etats (E-U et Chine) émettent autour de 40% des G.E.S !
Il y a urgence et mieux à faire que de se chercher querelle pour accroître son pré-carré en montrant ses têtes nucléaires. Il n’y a que la coexistence pacifique pour éviter le pire, en s’engageant sous contrôle à réduire les stocks d’armes nucléaires et à ne jamais s’en servir.
Comme pour le pouvoir d’achat, l’intervention des peuples sera décisive.
René Fredon