11 février 2023

 

Retraites : mobilisation exceptionnelle !

 

Même la police annonce près d’un million de manifestants (963 000) reconnaissant un accroissement de la mobilisation populaire que les syndicats estiment à 2,5 millions ! Et ce partout, avec une multiplication des rassemblements dans les régions, départements et villes. Et sans débordements ou si peu que le pouvoir ne peut exploiter.

 

25 000 à Nice, 20 000 à Toulon titre le quotidien VM auxquels il faut ajouter Draguignan et Brignoles et sans débordements

 

Des rassemblements pacifiques, souvent familiaux mais déterminés à se faire entendre des cyniques irresponsables de l’Elysée et d’ailleurs qui se savent ultra-minoritaires mais qui se croient seuls légitimes.

 

Les syndicats, toujours unanimement unis, sont plus que jamais décidés à obtenir le retrait d’une contre-réforme que Macron veut faire passer aux forceps contre une opinion publique de plus en plus hostile et très majoritaire qui a compris le piège qui lui est tendu.

 

De ce fait, il s’isole un peu plus, il illustre le fond de sa pensée très libérale : le mépris du peuple et de la démocratie, rien que ça. D’ailleurs, son obsession d’en finir avec les retraites et toutes les protections sociales issues de la Résistance qu’il prétend “rénover”, ne répond à aucune urgence ni nécessité. Cela commence à se savoir.

 

Macron n’a d’autre justification que de répondre aux exigences du capital à travers les grandes entreprises : exploiter plus longtemps les salariés.es tout en rendant plus difficiles les carrières complètes et plus aléatoire le montant des pensions surtout pour les bas salaires. Il creuse à vive allure les injustices sociales, plus encore par les temps qui courent.

 

Ce qu’il vise c’est de pousser chacun.e à la capitalisation individuelle, le patronat ne s’en cache pas, c’est pourquoi il est aussi enthousiaste. A toutes les époques il inspirait et soutenait les tentatives de réformes que le mouvement social, par son ampleur, a empêché d’aboutir. Tel est l’enjeu aujourd’hui.

 

Me revient à l’esprit l’éditorial de Denis Kessler alors n°2 du patronat français dans Challenges le 4 octobre 2007 titré “Adieu 45, raccrochons notre pays au monde” ainsi introduit :“Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer et le gouvernement s’y emploie….”  (1) lire la suite

 

Dans la macronie des voix s’élèvent pour que Macron cesse de se mettre à dos l’opinion publique, sa “majorité parlementaire” n’est pas acquise. A ce petit jeu des députés de la macronie craignent de perdre assez vite leur siège. Idem chez les LR qui menacent d’exclure leur n°2 en lui expliquant qu’il soutenait en 2017 la candidate Pécresse dont l’objectif était de porter la retraite à 65 ans !!

 

Il a bonne mine, le président, quand il enjoint les syndicats à “ne pas bloquer la France“! Qui d’autre que lui serait responsable du durcissement qui pourrait se produire face à un tel provocateur qui ne veut rien entendre de la voix du peuple en ignorant sa légitimité évidente. Et compte tenu de l’enjeu de civilisation qui est au cœur de ce sujet dont la vision libérale est dévastatrice de toutes nos avancées sociales, à commencer par les retraites et toutes les protections tandis que les fonds publics allant aux plus grandes entreprises privées et aux milliardaires n’ont jamais été aussi élevés.

 

Au comble de la colère, Macron et ses affidés en viennent à l’argument de caniveau selon lequel défendre une conquête populaire, le manifester d’autant plus qu’on se sent méprisé bien qu’on ait conquis le droit de grève et la liberté de l’exprimer…ce serait “faire le lit du RN” ?

 

Ignoble, absolument ignoble ! Sans remonter à l’origine de la banalisation de l’ex-FN, s’il est confirmé comme parti d’extrême-droite, cela veut bien dire qu’il est encore plus à droite que les partis de droite traditionnels et que par conséquent, il n’a rien à voir avec les valeurs de notre République sociale et laïque en pleine dislocation.

 

Des valeurs qui ont pour objectif de sauver la planète et de transformer la société, de développer le progrès social  d’éradiquer le chômage, les inégalités et la grande pauvreté, développer la démocratie, les libertés individuelles et collectives, les droits et les pouvoirs nouveaux dans l’entreprise et la société pour peser sur les choix et non plus subir les décisions des classes privilégiées.

 

Aucune convergence possible avec l’extrême-droite ultra-conservatrice, raciste, xénophobe, nationaliste, identitaire, sécuritaire…comme le montrent leurs fréquentations et leurs modèles aujourd’hui comme hier.

 

Ils exploitent les faiblesses, les incohérences, les promesses non tenues, les erreurs, les scandales des gouvernements qui ne vont ni assez vite ni assez loin dans la conception qu’ils ont d’un capitalisme encore plus dur et qu’ils cherchent à présenter comme  populaire non sans un certain succès…très préoccupant. D’autres y avaient “réussi” dans les années trente, à nos frontières…

 

Voilà ce que Macron ne veut pas assumer. Il prend appui sur le RN pour durcir ses politiques libérales et tenter de séduire les électeurs du RN, lequel y voit une reconnaissance de leurs mots d’ordre très tactiques et se prétend “l’opposition” à Macron en même temps que Macron  veut passer pour le rempart au RN, ce qui fait l’affaire de l’un et de l’autre.

 

Il est vrai que le développement du mouvement social, son ampleur, son unité, sa détermination doivent beaucoup à l’impopularité de Macron et de ses politiques, de son style bonapartiste qui va de pair avec son mépris du peuple.. Avec les retraites, il a cru que son bon vouloir allait suffire. Il n’a fait que décupler les saines colères populaires. Quant au RN, il n’est strictement pour rien dans cette mobilisation exceptionnelle à laquelle il ne se frotte pas. Il cause pour exister sans qu’on sache ce qu’il pense du débat de fond. Un pied dedans, l’autre dehors.

 

Ils ont même hurlé avec les loups pour se plaindre des initiatives de la NUPES en droit de faire connaître leur avis et leurs propositions sur ce sujet essentiel.

 

L’avenir n’est jamais écrit. Il se construit et les syndicats, après les énormes rassemblements  de samedi, envisagent une autre date de mobilisation nationale, le 16 février (2), en même temps que la concrétisation de grèves reconductibles parce qu’ils ne veulent pas céder au chantage du pouvoir mais obtenir la sympathie et l’expression de nouveaux citoyens pour peser encore plus et parvenir ainsi à faire respecter la volonté populaire : le retrait d’une “réforme” inique.

 

René Fredon

 

(1)

https://blogs.mediapart.fr/republicain/blog/191211/denis-kessler-il-sagit-de-defaire-methodiquement-le-programme-du-cnr

(2)

https://www.tv83.info/2023/02/11/lintersyndicale-est-prete-a-durcir-le-mouvem

Retraites : mobilisation exceptionnelle !