Loi de programmation militaire :
Emmanuel Macron, meilleur élève de l’OTAN ?
Paul Huttl
Le président de la République, le 9 novembre à Toulon sur le Dixmude (porte-hélicoptères amphibie), et surtout le 20 janvier à la base aérienne (escadron Rafale) de Mont-de-Marsan, par des effets d’annonces et de communication dont il est coutumier, a fait savoir ses ambitions et projets tels qu’ils se doivent se traduire dans la Loi de Programmation militaire (LPM) 2024-2030. Annonces qui laissent interrogatifs, voire dubitatifs, les auditoires professionnels sur les réalités budgétaires qui s’imposeront dans les sept années a venir, par un quasi doublement du budget militaire de la France. D’autant plus qu’Emmanuel Macron ne peut être en poste au-delà de 2027, et ne couvrira pas de ses engagements la LPM jusqu’en 2030.
Bien sûr, chacun a compris que l’effet d’annonce énorme de 413 milliards de LPM répondait aux 400 milliards, dont 100 milliards dès cette année, annoncés par le chancelier allemand Olaf Scholz, et à celle conjointe de l’OTAN et des USA de Joe Biden, imposant à chacun des membres de l’Alliance atlantique de contribuer à hauteur de 2 % du PIB aux dépenses d’armement pour « bénéficier » de la couverture militaire US. Aussi, la compétition entre France et Allemagne pour être le leader militaire délégué des USA est ouverte entre Macron et Scholz, avec les surenchères que cela comporte.
Après les rétorsions puis la guerre ouverte menée par l’Ukraine contre les velléités d’autonomie, voire plus, du Donbass malgré l’accord de 2014 entre Russie-Ukraine-Allemagne-France-Royaume Uni, l’intégration de la Crimée à la Russie, puis la guerre de Poutine engagée en février 2022 sur le territoire exclusif de l’Ukraine, l’engagement de l’OTAN et des gouvernants européens dans la fourniture des matériels, armements et munitions à l’Ukraine de Zelenski, dépassant déjà les 100 milliards d’aides, a conduit à enrégimenter les pays européens et à rallier à l’OTAN les pays nordiques apeurés, en confirmant la Russie comme ennemi désigné.
L’OTAN, diagnostiquée il y a peu encore en état de « mort clinique », révèle aujourd’hui une « Europe de la défense » elle-même en mort clinique véritable, et totalement dépendante et subordonnée aux objectifs des USA et de leurs armements (Lockheed !). Les pays européens s’équipent en armements états-uniens et abandonnent ce qui constituait encore, il y a peu, des projets majeurs communs (avions, chars).
Les pays de l’OTAN sont invités expressément à se positionner en alliés des USA, sur Taiwan et sur une future guerre avec la Chine – dans les 10 ans a venir – avec la création de l’AUKUS dans le Pacifique (Australie, Royaume-Uni, USA). Ce serait une guerre sur les mers, et le chef d’état-major de la Marine a déjà réclamé par voie de presse à Macron les 12 frégates nécessaires pour barrer la route a la flotte chinoise.
Ce que le président de la République a annoncé
« Transformer nos armées », « La France « prête aux périls du siècle« , promet Emmanuel Macron le 20 janvier sur la base aérienne de Mont-de-Marsan (BA118).
-Le renforcement de la souveraineté.
-L’anticipation de la haute intensité.
-La défense des espaces communs.
-Le renouvellement des partenariats.
Dans le cadre de la future loi de programmation militaire, Emmanuel Macron a promis un budget de 413 milliards d’euros sur sept ans, entre 2024 et 2030 (en tenant compte de recettes extrabudgétaires). Cela conduit à un doublement du budget militaire entre 2017 et 2030, afin, dit-il, de transformer l’armée alors qu’avec la précédente LPM (2019-2023), il s’agissait selon lui de « réparer » l’armée française de la régression de ses budgets. C’est donc un budget supérieur d’un tiers à la précédente LPM (295 milliards), sur fond de retour de la guerre en Europe (sans oublier que la guerre a déjà été présente en Europe, avec l’OTAN, lors du démantèlement de la Yougoslavie).
Le ministre Sébastien Lecornu annonce lui une LPM pour rester une puissance mondiale, comparable aux choix des années 1960 dans la course a l’atome et à un autre modèle d’armée ! Car, dit-il, n’espérons pas gagner une bataille en 2030 avec les équipements des années 2020, les sauts technologiques étant de plus en plus rapides.
La LPM, dont la nouvelle enveloppe budgétaire sera toutefois tempérée par l’inflation et l’explosion des coûts de l’énergie, devrait être soumise au vote du Parlement d’ici l’été 2023.
« La loi de programmation militaire traduit les efforts pour les armées à proportion des dangers, c’est-à-dire considérables… Nous devons avoir une guerre d’avance pour être prêts à des guerres plus brutales, plus nombreuses et plus ambiguës à la fois », a commenté le président devant un parterre de hauts gradés. La France entend rester une puissance respectée et un partenaire (OTAN) crédible, comme le souligne la dernière revue nationale stratégique.
- renforcement des composantes de la dissuasion nucléaire française et poursuite de la modernisation auxquels 5,6 milliards d’euros de crédits de paiement sont consacrés cette année ;
- combler les lacunes dans le domaine des drones et des munitions rôdeuses. Drones et défense aérienne renforcée de 50 % (Usine de drone sous-marin annoncée par Naval Groupe à La Londe dans le Var) ;
- les capacités cyber sont « très sensiblement renforcées » pour une « capacité de premier rang » ;
- le budget alloué au renseignement militaire augmente de 60 % sur la période 2024-2030. Le budget de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) seront doublés ;
- 50 chars Leclerc de bataille (200) rénovés supplémentaires pour Nexter, commandés en décembre 2022. 18 des 50 chars commandés en 2021 devraient être livrés en 2023 ;
- en mars 2023, Sébastien Lecornu annonce à la presse, le projet de porte pvion pour 2030 ?
- développer une « économie de guerre« , il a aussi été demandé aux industriels de « raccourcir drastiquement les cycles de production », « ne pas céder à la sur-sophistication » et « adapter plus vite nos équipements ». Les coûts et la maintenance doivent être réduits par « un effort combiné État-industrie » ;
- adapter l’armée aux risques de conflit inter-étatique majeur (« haute intensité »), dans un contexte géostratégique de plus en plus tendu, afin de « ne pas subir » ;
- la France doit aussi être capable, « si les circonstances l’imposaient », de « construire et de commander une coalition de premier rang avec ses partenaires ». Cela implique de pouvoir déployer une capacité interarmées de 20 000 hommes ;
- l‘Outre-mer fera lui l’objet d’investissements supplémentaires en termes d’équipements et d’effectifs, particulièrement dans le Pacifique et l’Océan Indien, « aux premières loges des possibles confrontations de demain », notamment dans l’Asie-Pacifique, où la Chine est désignée ;
- doubler le nombre de réservistes opérationnels, actuellement au nombre de 40 000. Un réserviste pour deux militaires d’active, afin dit-il de renforcer la « force morale » de la nation, avec un Service National Universel, le SNU à partir de la seconde de l’Éducation nationale, qui devait être présentée le 29 Mars à Toulon, département pilote.