Guerre à Gaza , Le réquisitoire du pasteur de Bethléem
Dans un sermon puissant, le révérend luthérien palestinien Munther Isaac a saisi l’occasion de la messe de Noël, le 25 décembre 2023, pour fustiger l’Europe, les États-Unis et sa propre Église, «complices du génocide en cours à Gaza». Publié le 27 décembre 2023 par l’Humanité
« Si Jésus naissait aujourd’hui, il naîtrait à Gaza au milieu des décombres. Nous sommes en colère. Nous sommes brisés. Cela aurait dû être un moment de joie ; au lieu de cela, nous sommes en deuil. Nous avons peur. Plus de 20 000 morts dont des milliers sont toujours sous les décombres. Près de 9 000 enfants morts dans les conditions les plus brutales. Jour après jour, 1,9 million de déplacés, des centaines de milliers de maisons détruites. Gaza, telle que nous la connaissons, n’existe plus. C’est une annihilation. C’est un génocide.
Les habitants de Gaza envoient des images en direct de leurs propres exécutions. Peut-être que le monde s’en soucie mais cela continue. Cela pourrait-il être notre destin, ici à Bethléem ? À Ramallah ? À Jénine ? Nous sommes tourmentés par le silence du monde. Les dirigeants du prétendu monde libre ont fait la queue les uns après les autres pour donner le feu vert à ce génocide contre une population captive. Ils l’ont couvert. Ils ne se sont pas seulement assurés de régler l’addition par avance, ils ont travesti la vérité et le contexte.
Cette guerre nous a confirmé que le monde ne nous considère pas comme égaux. Peut-être est-ce en raison de la couleur de notre peau. Peut-être est-ce parce que nous sommes du mauvais côté de l’équation politique. Même notre filiation dans le Christ ne nous a pas protégés. Ils ont donc dit : s’il faut tuer 100 Palestiniens pour venir à bout d’un seul “militant du Hamas”, ainsi soit-il. L’hypocrisie et le racisme du monde occidental sont transparents et épouvantables. Ils envisagent toujours le mot de “Palestiniens” avec suspicion et réserve. De l’autre côté, malgré un bilan clair de désinformation, de mensonges, les paroles sont toujours réputées infaillibles.
À nos amis européens, je ne veux plus jamais vous entendre nous donner des leçons sur les droits de l’homme ou le droit international. Nous ne sommes pas blancs, je suppose que (le droit) ne s’applique pas à nous, selon votre logique. Dans l’ombre de l’empire, ils ont transformé le colonisateur en victime et le colonisé en agresseur. Avons-nous oublié que l’État auquel il parle a été bâti sur les ruines de villes et de villages de ces mêmes Gazaouis ?
Nous sommes indignés par la complicité de l’Église (protestante – NDLR). Soyons clairs : le silence est complicité, et les appels vides à la paix sans appel au cessez-le-feu et à la fin de l’occupation, de même que les paroles superficielles d’empathie sans action directe relèvent tous de la complicité.
Gaza est devenue la boussole morale du monde. Si vous n’êtes pas consterné par ce qui se passe, si vous n’êtes pas profondément ébranlé, votre humanité sonne faux.
Nous nous relèverons comme nous l’avons toujours fait. Mais j’ai de la peine pour vous qui êtes complices. Vous en remettrez-vous un jour ? Nous n’accepterons pas vos excuses après le génocide. Regardez-vous dans le miroir et demandez-vous : “Où étais-je lorsque Gaza subissait le génocide ?” Répétons au monde : arrêtez ce génocide maintenant. Ceci est notre appel, notre plaidoyer, notre prière.»