Les élus de la commission des Finances ont rejeté le volet recettes du projet de budget 2025, qui avait été fortement amendé en mettant à contribution les grandes entreprises et les contribuables les plus riches. Quant au premier ministre, il menace de brandir le 49.3.

Patatras ! Les 36 heures de travail de la commission des Finances sur le volet recettes du budget sont parties au rebut, samedi 19 octobre. Ses députés ont rejeté par 29 voix contre 22 cette partie du projet de loi qu’ils avaient pourtant fortement amendée… dans le bon sens. Grâce au travail parlementaire, la taxe sur les hauts revenus (250 000 euros annuels par personne ou 500 000 euros annuels pour les couples) proposée par le gouvernement devait être rendue pérenne. Le prélèvement forfaitaire sur le capital devait passer de 30 à 33 %.

L’« exit tax », pour mettre à contribution les personnes qui établissent leur domicile fiscal hors de France, devait être renforcée. Une taxe sur les superprofits devait être instaurée, qui aurait pu rapporter 15 milliards d’euros en mettant à contribution les entreprises réalisant 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et ayant réalisé un profit qui dépasse de 1,25 fois les profits annuels sur la période.

127 amendements

Les fonds du crédit d’impôt recherche installé sous François Hollande devaient perdre 1,5 milliard d’euros sur les 8 qui lui sont consacrés en n’étant plus attribués au secteur de la finance et de l’assurance. Toutes les communes devaient pouvoir désormais appliquer une majoration de 60 % sur la taxe foncière des résidences secondaires. La fiscalité sur les rachats d’action devait être alourdie, passant de 8 à 30 %. Les multinationales devaient se voir taxer sur les bénéfices qu’elles réalisent en France. La contribution des grandes entreprises du secteur maritime devait doubler.

Au total, les 127 amendements ont été votés parfois avec le RN, parfois avec une partie du camp présidentiel. Ils devaient, selon le président de la commission des Finances, Éric Coquerel, rapporter 60 milliards d’euros, sans toucher aux classes moyennes et populaires. « Un grand nombre ont permis de transformer profondément le texte initial dans un sens positif et « NFP-compatible » », s’était félicité le député insoumis.

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« Cela montre qu’il est possible de faire autrement. On a réorienté la fiscalité sur les ultra-riches. De plus, on a réussi à enlever les taxes sur l’électricité et les ponctions sur les collectivités », a abondé le député communiste Nicolas Sansu. Mettant en cause les 62 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises accordés par la Macronie en 2023, Éva Sas, du groupe Les Écologistes, a salué les « avancées, qui vont dans le sens de la justice sociale et de la restauration des recettes de l’État pour financer nos services publics ».

« Marine Le Pen est présidente du conseil de surveillance »

Cette belle moisson est donc partie en fumée, grâce à une conjonction de voix macronistes et « Les Républicains » avec, comme c’est le cas depuis 2022, le secours des députés Rassemblement national. Même s’il sauve la mise du gouvernement Barnier, le RN, qui a toutefois voté les amendements visant à réinstaurer un impôt sur la fortune, fait mine d’être dans l’opposition.

Le député RN Jean-Philippe Tanguy met ce vote sur le compte de « l’attitude du gouvernement et des partis de la majorité qui (…) ne veulent rien négocier » avec les oppositions. Un appel du pied, en quelque sorte, pour la suite du parcours législatif. « Le gouvernement est sauvé par le RN, comme à chaque fois. Cela montre que Marine Le Pen est présidente du conseil de surveillance », souligne Nicolas Sansu, pour qui « cela clarifie les choses ».

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Tandis que le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a pris « note du rejet par la commission des Finances de l’Assemblée nationale d’un budget qui aurait conduit au matraquage fiscal de nos concitoyens », Michel Barnier, qui a précisé dimanche 20 octobre dans les colonnes du JDD ne pas exclure d’utiliser le 49.3 pour faire adopter le budget, a pour sa part haussé le ton : « L’effort dont chacun doit prendre sa part ne peut pas se transformer en concours Lépine fiscal. »

Le projet de loi de finances va maintenant poursuivre sa navette parlementaire, arrivant en plénière ce lundi, dans la version rédigée par le gouvernement Barnier. Si, dans l’Hémicycle, les députés repoussaient à nouveau la partie recettes, « le texte sera transmis au Sénat dans son état initial », a alerté en commission Charles de Courson, rapporteur général du budget. « Cela veut dire que l’Assemblée nationale, qui a le pouvoir de la souveraineté nationale, ne pourra pas influencer ce texte », s’inquiète-t-il.

La version du Sénat, où dominent « Les Républicains », dont le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, était encore jusqu’en septembre le président de groupe, pourrait revenir à l’Assemblée plus austéritaire encore que la copie du gouvernement.

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