« L’Humanité » titre « mains sales, tête basse » en Une ce mardi 1er avril.

                                                                                                                               PHOTO HUMANITE du  01 04  2015

                                                                                                          Lu dans L’HUMANITÉ. Procès du RN Marine Le Pen condamnée….

Objet : Lu dans L’HUMANITÉ. Procès du RN Marine Le Pen condamnée….

Procès du RN : Marine Le Pen condamnée et inéligible au nom de la démocratie

La cheffe de file du RN écope de quatre ans de prison et cinq années d’inéligibilité, avec exécution provisoire, un verdict qui compromet sérieusement ses chances d’être candidate à la présidentielle 2027. Ses soutiens crient au scandale.

Coup de tonnerre dans la salle d’audience. Sur les bancs des prévenus, comme sur ceux de la presse et du public, les regards se croisent, les sourcils se dressent. Chacun demande sans mots à son voisin s’il a bien compris le sens des propos de la présidente du tribunal correctionnel, Bénédicte de Perthuis : « Il apparaît nécessaire d’assortir les peines d’inéligibilité de l’exécution provisoire. » Vexée, Marine Le Pen se lève et quitte la salle avant la fin, suivie de près par Catherine Griset – son ancienne assistante parlementaire « fictive », a déclaré le tribunal.

La sentence est donc tombée avant même l’annonce des peines. Marine Le Pen est condamnée à une peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire, s’appliquant donc immédiatement. À moins qu’une cour d’appel ne revienne sur cette décision d’ici là, elle ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2027. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République et de l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, la favorite à la course à l’Élysée a l’interdiction d’y participer.

Bénédicte de Perthuis et ses assesseurs avaient pleinement conscience de la déflagration qu’ils s’apprêtaient à provoquer. C’est pour cette raison que la présidente a pris le temps, plus de deux heures, pour expliquer en détail son délibéré, alors que l’usage veut que les peines soient d’abord prononcées. Celles-ci sont lourdes, mais sans grande surprise au regard de la tenue des débats, à l’automne dernier.

Hormis l’expert-comptable Christophe Moreau, tous les prévenus (neuf anciens eurodéputés, douze ex-collaborateurs et quatre cadres du parti) ont été condamnés pour « détournement de fonds publics », complicité de cette infraction et recel. Des peines de prison allant de six mois à quatre ans et d’inéligibilité pour les anciens parlementaires et quelques anciens assistants parlementaires comme le député Julien Odoul et l’eurodéputée Catherine Griset.

Marine Le Pen condamnée : une victoire pour la démocratie et l’État de droit

Ils sont déclarés coupables d’avoir, de 2004 à 2016, « détourné les enveloppes parlementaires européennes destinées à l’emploi des assistants parlementaires au profit de leur mouvement », pour lequel travaillaient en réalité les collaborateurs. Le préjudice s’élève à 4,1 millions d’euros.

Le Rassemblement national, personne morale, est condamné à 2 millions d’euros d’amende, dont un avec sursis. Il doit aussi verser 4,4 millions d’euros de dommages et intérêts (plus d’un million avait déjà été versé pendant la procédure). Pointant « un détournement qui résulte d’un système mis en place pour alléger les charges du parti », le tribunal a précisé que « c’est sur le fondement de ce système que le RN est poursuivi du chef de complicité ».

Marine Le Pen a été depuis 2009 « au cœur » de ce système, s’impliquant « avec insistance et détermination ». « Marine Le Pen va arbitrer les mouvements entre les enveloppes. (…) Il s’agit bien d’une pratique organisée en vue de permettre au Front national de réaliser des économies », a résumé Bénédicte de Perthuis. Laquelle a souligné le rôle de la réunion du 4 juin 2014, pendant laquelle la cheffe du groupe a intimé aux nouveaux députés de ne prendre qu’un assistant et de laisser le reste de l’enveloppe.

C’est ce qui explique pourquoi Marine Le Pen écope des plus lourdes peines en première instance : quatre ans de prison, dont deux ferme en détention à domicile avec surveillance électronique, 100 000 euros d’amende et, donc, cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. De ce fait, elle va perdre son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais mais pas celui de députée – seul le Conseil constitutionnel a le pouvoir de l’en déchoir mais le refuse, de manière constante, après des condamnations pour inéligibilité.

Sa candidature en 2027 sérieusement compromise

https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/l-humanite-detourne-un-vieux-slogan-du-fn-pour-sa-une-sur-la-condamnation-de-marine-le-pen_248212.html?dmplayersource=share-send

 

Ce verdict compromet donc sérieusement sa candidature à l’élection présidentielle. En quittant la salle d’audience, l’intéressée ne s’est pas arrêtée devant les journalistes, filant directement au siège du RN, où l’attendait Jordan Bardella, président du mouvement et candidat alternatif désigné. L’état-major du mouvement a suivi, avec l’objectif de préparer la riposte, médiatique dans un premier temps. TF1 lui a ouvert son 20 heures, lundi soir.

Très agacée, Marine Le Pen y a assuré ne pas renoncer à être candidate en 2027 et vouloir faire appel « le plus vite possible » dans l’espoir que le second procès se tienne avant la présidentielle. L’élue d’extrême droite se dit « innocente » et assimile ses juges à des « adversaires politiques », qui ont voulu l’« empêcher d’être élue présidente ».

Avant même cette déclaration, la contre-offensive d’une extrême droite (soutenue par une grande partie de la droite, voire au-delà) se disant victime d’une « justice à charge », cherchant à « l’éliminer », était prête. Elle a été massivement déployée dès l’annonce du délibéré.

« Des juges se pensant au-dessus du peuple souverain ont décidé d’exécuter dans un tribunal celle qu’ils n’ont jamais pu faire reculer dans les urnes », a enragé l’eurodéputée Marion Maréchal. « Le destin démocratique de notre nation est confisqué par une cabale judiciaire indigne, embraye Éric Ciotti. Ce n’est pas un simple dysfonctionnement, c’est un système de captation du pouvoir qui écarte systématiquement tout candidat trop à droite en mesure de gagner, de François Fillon à Marine Le Pen. » Le président de l’Union des droites pour la République (UDR), allié au RN, va jusqu’à demander : « La France est-elle encore une démocratie ? »

Contrairement au discours tenu pendant le procès – « Nous sommes innocents et nous allons le prouver », a déclaré la triple candidate à la présidentielle à l’ouverture du procès le 30 septembre –, les réactions ne se concentrent pas sur le fait que l’accusée et ses coprévenus soient déclarés coupables de détournement de fonds publics.

C’est la sanction et son exécution immédiate qui sont dénoncées par un camp politique si prompt à dénoncer le « laxisme » de la justice et à vouloir légiférer pour une application plus stricte des peines. Laurent Wauquiez va même plus loin, remettant en cause la légitimité d’une peine d’inéligibilité : « Il n’est pas sain dans une démocratie qu’une élue soit interdite de se présenter à une élection. » Jordan Bardella est, lui, définitif : « Aujourd’hui, ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c’est la démocratie française qui est exécutée. »

Au nom de la démocratie, ces responsables politiques piétinent en réalité l’État de droit en ne respectant pas une décision fondée sur des textes de loi votés par des représentants de la nation et sur une jurisprudence (nombreux sont les cas d’élus sanctionnés d’inéligibilité avec exécution provisoire). Ils refusent de respecter la justice, elle-même « expression du peuple souverain », comme l’a rappelé Bénédicte de Perthuis. La présidente du tribunal s’est justement reposée sur l’atteinte portée à « la vie démocratique » pour justifier sa décision.

Dans un premier temps, elle a expliqué qu’« en l’espèce, les infractions commises sont liées à l’exercice d’un mandat électif, soit une atteinte aux règles du jeu démocratique ». « Dans ces conditions, la peine d’inéligibilité apparaît nécessaire. » Restait alors à trancher la question de l’exécution provisoire.

Pour cela, le tribunal a tenu compte du statut de Marine Le Pen. Ce que les soutiens de cette dernière ne manquent pas de relever pour instruire leur procès contre les juges alors qu’en réalité, cela aurait pu lui profiter : « Marine Le Pen a annoncé qu’elle serait à nouveau candidate lors des prochaines élections. La question se pose donc de façon singulière dans cette enceinte pénale qui rend sa décision ”au nom du peuple français”. Le tribunal ne doit pas ignorer l’exigence de recherche d’un consensus social. »

La contre-attaque trumpiste du RN

Les juges ont donc tenu compte de l’impact de leur décision sur la vie politique, de fait chamboulée comme rarement dans l’histoire depuis ce lundi midi. Mais c’est d’abord au regard « du risque de récidive et de trouble à l’ordre public » qu’un tel jugement est pris.

Pour le premier critère, la présidente du tribunal a insisté sur le fait que « près de dix ans après les faits, la défense conteste les faits, avec une conception peu démocratique de l’exercice politique. Le logiciel de défense a été pris en compte pour apprécier le risque de récidive. Les prévenus, qui ont montré peu d’intérêt pour la manifestation de la vérité, n’ont marqué, pour la plupart, aucune volonté de vouloir s’expliquer, niant parfois jusqu’à l’évidence… »

Marine Le Pen et ses coprévenus paieraient donc leur défense forcenée, le fait de ne pas avoir joué le jeu judiciaire. L’ex-présidente du FN/RN avait d’ailleurs décliné de nombreuses convocations judiciaires à la fin des années 2010.

Enfin, la présidente a expliqué que « le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le risque de trouble à l’ordre public que constituerait une candidature à l’élection présidentielle d’une personne condamnée à l’inéligibilité ». « Il apparaît nécessaire d’assortir les peines d’inéligibilité de l’exécution provisoire, a-t-elle conclu. Il s’agit de veiller à ce que les élus ne bénéficient pas d’un régime de faveur. »

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Nulle n’est au-dessus des lois, pas même une favorite à la présidentielle. Ce que le RN a dû mal à entendre, ou feint de ne pas comprendre pour mieux activer ses ressorts trumpistes. Dans les prochaines semaines, l’extrême droite va attiser la colère de son électorat, déjà échaudé par le front républicain des dernières législatives ou la suspension du droit d’émission sur la TNT de C8.

Jordan Bardella – comme Éric Zemmour ou Bruno Retailleau, qui lorgnent sur cet espace politique –, promis à devenir le candidat officiel du RN, va chercher à surfer sur ce récit victimaire, comme Donald Trump a su cultiver son récit d’une élection truquée en 2020 pour l’emporter en 2024. Le président du RN a appelé lundi après-midi à une « mobilisation populaire et pacifique », jusqu’ici circonscrite à une pétition.

Cette décision historique du tribunal correctionnel démontre qu’un parti et sa présidente ont délibérément, pendant des années, piqué dans la caisse, loin de leur slogan « Mains propres, tête haute ».

Paradoxalement, cette condamnation pourrait renforcer l’extrême droite. Mais cette question ne concerne pas le tribunal, qui, il faudra le rappeler sans cesse, n’a pas jugé en fonction de calculs politiques.

Publié le 31 mars 2025

Florent LE DU

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Procès du RN : Marine Le Pen condamnée et inéligible au nom de la démocratie