Aujourd’hui président de la FFR (fédération française de rugby)(1), hier entraîneur du RCT, Bernard Laporte, ancien secrétaire d’Etat aux Sports sous Sarkozy et ancien sélectionneur entraîneur de l’équipe de France de rugby, se trouve confronté à une assez délicate affaire de liens d’intérêt avec une grosse entreprise du BTP dont le président Mohed Altrad est aussi président du Rugby Club Monpellier Hérault.

Le quotidien sportif l’Equipe en a révélé la teneur samedi dernier, suivi dimanche par le JDD. En tant que président de la FFR, Bernard Laporte est soupçonnée d’avoir fait atténuer une sanction prise contre le club héraultais. Un des membres de la commission d’appel de la fédération, l’avocat Philippe Peyramaure, représentant la Ligue nationale de rugby a démissionné. Il a été suivi de cinq autres démissions dans les trois jours qui ont suivi.

Il est apparu que la société Altrad avait passé un accord, en février dernier, avec la société gérée par Bernard Laporte, Altrad ayant acquis l’exploitation de l’image du président Laporte moyennant le paiement de 150 000 euros pour quatre conférences internes à l’entreprise !

Ce n’est pas tout, la société Altrad est devenue “sponsor-maillot-officiel” du XVde France de rugby, en mars 2017. Tout se paye. Le président de l’ASM vient de déclarer qu’il ne veut plus du nom d’Alstrad sur les maillots…Bonjour l’ambiance.

On connaît, au-delà du Var, le sens pittoresque de la communication et le caractère bien trempé du personnage, ses qualités de meneur d’hommes et de technicien du rugby de haut-niveau. On connaît moins son sens des affaires -très développé- qui lui ont valu certains déboires tout au long de sa carrière.

L’affaire du casino d’Arcachon, à l’automne 2007, il venait d’être nommé au gouvernement Fillon. C’est alors qu’on apprend que le propriétaire du casino déclare avoir été contacté par Bernard Laporte en 2005 qui interviendrait en faveur de l’autorisation d’ouverture de l’établissement en échange de…50% des parts !

On retrouve BL associé à de nombreuses sociétés, rien ne l’interdit. Il aime les casions et a des intérêts, entre autre, dans celui de Saint-Julien en Genevois, en Haute Savoie. Etait-ce bien compatible avec un poste ministériel ?

Avant d’entrer au gouvernement, il reconnaissait, à l’époque, être “actionnaire dans trois campings sur la côte, dans deux bodegas dans la région parisienne, j’ai une brasserie à Arcachon. Je suis aussi associé à Jo Maso (le manager de l’équipe de France de rugby) pour exploiter une bodega à Saint-Priest, près de Lyon. Tout ça, c’est beaucoup de travail, j’ai pas de prostituées, je vends pas de came.”

En tant qu’entraîneur, il avait vendu pour le compte de l’une de ses sociétés, des ballons de rugby dédicacés pas bien méchant, direz-vous ? Cela souligne que si le rugby lui a apporté une certaine notoriété et des revenus confortables, il ne le cache pas, il a toujours une forte propension à s’en servir à des fins d’enrichissement personnel. Et une tendance à trouver ça normal, si ce n’est moral ? C’est l’époque qui veut  ça ? Non, la confusion étroite avec la classe politique dirigeante selon les principes du libéralisme.

D’ailleurs, la réaction de BL et de la fédération de rugby, en début de semaine, ne manque pas de sel. Il comprend “l’émotion légitime...” et il renonce au contrat de 150 000 euros. Preuve qu’il n’avait pas tout à fait la conscience tranquille.

Mais le communiqué considère que ce renoncement au contrat d’image, “doit faire cesser toute suspicion à l’encontre des instances du rugby et de son président…” Ainsi il est pris la main dans le pot de confiture et exigerait que, l’ayant retirée, on devrait s’en tenir là ?

Mieux, notre stratège repasse à l’offensive et nous déclare que c’est “pour protéger les… valeurs du groupe Altrad, grande entreprise française à rayonnement mondial …” qui n’hésite pas à faire du lobbying auprès du président de la FFR moyennant quelque monnaie sonnante et trébuchante !

Cerise sur le gâteau, il est écrit que “ce partenariat est essentiel au développement du

Rugby Amateur (2) Avec les majuscules.

 Il y a encore plus savoureux : dans un dernier élan de générosité, “la FFR…remercie Mr Mohed Altrad pour son soutien et son implication au service du rugby amateur…” N’en jetez plus !

Pour conclure ce feu d’artifice, la FFR et son président proposent à la ministre des Sports de créer une Haute Autorité de Lutte pour la Transparence et l’Equité dans le Rugby ! Ah, mais ! On va voir ce qu’on va voir : la corruption, les dessous de table, les salaires et les transferts mirobolants et non dissimulés, les notes de frais généreuses…pas dans le rugby, voyons.

Pour l’instant la ministre a fait savoir qu’elle ouvrait une enquête diligentée par l’inspection générale du ministère. La FFR s’est empressée de se mettre à sa disposition avec toutes les pièces…ne pouvant faire autrement.

Ce n’est pas seulement la fédération, son président qui sont dans la tourmente, c’est, au-delà du rugby, l’éthique sportive et le pouvoir de l’argent dans le sport comme dans toute la société qui posent problème.

Pendant ce temps-là, les bénéficiaires des APL se verront retirer 5 euros par mois…et les patrons pourront licencier à leur gré, les indemnités seront plafonnées. Champagne pour tout le monde !

René Fredon

(2)https://www.ffr.fr/FFR/Organisation/Actualites/Communique-de-presse-FFR

(1)http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/12/08/bernard-laporte-symptome-d-un-rugby-en-souffrance_5045505_3232.html

Bernard Laporte sérieusement ébranlé par ses liens d’affaire :

Laisser un commentaire