Régionales et départementales , L’effondrement de la démocratie..
Au soir du 1er tour des régionales, le tête de liste de la gauche et des écologistes, Jean-Laurent Félizia (EELV) annonçait sur les plateaux de télé que “sa” liste se maintiendrait au second tour. Le lendemain, il déclarait le contraire : il votera pour Muselier “pour battre Mariani et sa triste cohorte“! Cela après que les états-majors du PS et des Verts aient fait connaître leur position réactivant le “front républicain” ou ce qu’il en reste. Ses co-listiers n’ont pas eu à en débattre.
Cela risque de faire des abstentions supplémentaires, car voter pour Muselier, c’est voter pour le candidat qui a négocié avec Castex pour que LREM ne présente pas de liste. La ministre Sophie Cluzel bombardée tête de liste a dû retirer sa liste en avalant la pilule.
Le RN, avec ici à sa tête un ancien ministre LR de Sarkozy, n’a cessé de jurer de sa proximité avec la droite traditionnelle visant surtout ses électeurs.ices. Et, c’est nouveau, de son admiration pour le général De Gaulle ! Du racolage contre-nature.
En réalité, ce ne sont pas des adversaires mais des complices car tous plus libéraux les uns que les autres. Leurs divergences ne portent pas sur le fond mais sur la manière de gérer le système capitaliste dont les peuples subissent, au quotidien, la malfaisance sauf la classe dominante au service des intérêts privés.
Comme pour les régionales, la caractéristique qui saute aux yeux c’est l’ampleur de l’abstention : 67% soit près de 20% de plus qu’en 2015 47,48. Près d’un électeur varois sur deux s’était abstenu en 2015, en 2021 ce sont deux sur trois ! (1)
Une abstention qui ne fait l’affaire de personne mais qui a singulièrement touché le RN dont tous les médias du sérail libéral prédisaient une nouvelle avancée de leur influence électorale déjà très haute dans le Var. Elle régresse de manière spectaculaire, tout en restant à un bien trop grand étiage. Ses voix ont fondu de moitié mais il garde la tête dans quelques cantons.
L’autre perdant, c’est Macron qui n’arrive pas à implanter ses fantassins dans les départements comme dans les régions. De bien mauvais augure pour la présidentielle et le scénario qui, croit-il, le mettrait face au RN en plein reflux, comme lui. Du coup, la perspective d’un duel entre les deux perdants de la Régionale-Départementale, s’éloigne.
Comme s’éloigne la perspective d’une conquête de région ou de département par le RN. LR que l’initiative gouvernementale de rapprochement avec LREM a fortement perturbé, s’en tire, du coup, mieux que les pronostics quotidiens de sondages. Ils se sont une fois de plus plantés en essayant de banaliser l’image d’un RN conquérant qui séduit des cadres et des électeurs de la droite traditionnelle ? Jusqu’à se référer au gaullisme ? Pour faire croire à l’opinion qu’il aurait renié ses origines d’extrême-droite auxquelles le père-fondateur était fier de se référer. Le RN aime bien les tenues de camouflage…
L’abstention massive n’est pas nouvelle, elle s’amplifie au plan national, davantage dans les grandes villes et parmi la jeunesse aux ressources modestes. Elle traduit une réalité politique très inquiétante qui interroge surtout notre “démocratie libérale”, ceux qui sont au sommet de l’Etat mais pas seulement. Quand deux électeurs sur trois ne votent pas, que devient la légitimité des élus ? Ils sont élus par une minorité qui ne représente pas le corps électoral. Dans les assemblées l’opposition y est marginale. Celui qui a gagné raffle 80% des sièges ! On appelle ça “démocratie”.
Coup de projecteur sur les départementales
Ainsi à Brignoles, où le RN n’a présenté aucun candidat (?), celui de la “majorité départementale” -et non des LR ?- a fait 84% face au communiste Laurent Carratala, 16%. Didier Brémond est le seul élu au 1er tour. Mais 84% ne veut rien dire. L’élu représente 27% des inscrits ! Il ne retient que le premier pourcentage comme s’il s’agissait d’un plébiscite de sa personne ? On en est loin : 73% n’ont pas voté !
La bonne question serait de savoir pourquoi une large majorité de la population ne va plus voter ?
Ne serait-ce pas parce qu’elle a perdu confiance envers des élus qui l’oublient et qui ne pensent qu’à leur réélection, tandis que l’insécurité sociale s’aggrave, que leur cadre de vie se détériore, que l’avenir de la jeunesse s’assombrit, que les services publics et les protections sociales se réduisent, que nos retraites sont menacées…tandis que les plus riches continuent de s’enrichir de manière insolente étalant au grand jour leur opulence en perpétuelle amélioration. Ce pourrait être une incitation à voter…où à désespérer ?
C’est une crise politique de confiance et de déficit de perspective, en même temps que d’impuissance à améliorer la vie quotidienne du plus grand nombre à commencer par les plus fragiles et par les citoyens qui se croyaient à l’abri de la précarité et qui s’y trouvent plongés du fait des politiques imposées par les représentants mal élus d’une minorité de votants. L’amélioration des indicateurs sanitaires n’a rien changé au sentiment d’inquiétude des Français quant à l’avenir que Macron nous prépare, talonné par une droite et un RN dans la surenchère libérale.
Inutile de faire la morale aux abstentionnistes “qui, selon certains, n’ont qu’à se servir du vote pour exprimer leur opinion” ? Sauf qu’ils ont l’expérience que les décideurs politiques ne répondent pas à leurs besoins les plus urgents, qu’on ne les écoute pas, qu’on ne les consulte pas sinon pour leur faire adopter des décisions déjà prises qui, comme dit Falco, “figurent dans mon programme électoral que j’applique scrupuleusement” !!
Donc s’il s’oppose à la construction de logements sociaux et à la loi SRU, c’est par fidélité à son programme, défavorable à toutes celles et ceux qui attendent que la ville et l’agglo qui surplombent Toulon-Var-Habitat (on ne dit plus HLM), leur proposent un logement digne et accessible…qui ne vient pas parce qu’ils sont hostiles, sur le plan politique, à loger les catégories sociales qui en ont le plus besoin.
En même temps on voit des chantiers de constructions d’appartements à la vente fleurir dans toute la ville ! Pas besoin de faire un dessin : ils (les maires LR) ne veulent pas appliquer la loi, bel exemple de civisme. Et ils assument leurs choix politiques. Ce qui nourrit l’abstention. Ils sont en passe de conserver la majorité au conseil départemental, voire de l’amplifier au détriment du RN, seul opposant en raison du système électoral ?
Autre exemple : les quais destinés aux grands yachts et bateaux de croisière, financés par de l’argent public, cela fait l’affaire de qui ? Poser la question, c’est y répondre.
Le président du conseil départemental, Marc Giraud, ancien maire de Carqueiranne, est arrivé en tête dans “son” canton de La Crau, associé à son ancienne collaboratrice Patricia Arnould, avec 64,27 % mais pas élus parce qu’ils n’atteignaient pas 25% des électeurs inscrits ! Ils le seront vraisemblablement au 2è tour.
Dans ce canton, comme celui de Brignoles, il n’y avait pas de candidat RN, contrairement à 2015 où il faisait 42% au 1er tour. Un peu bizarre tout de même ? Sans compter que le binôme attend d’être convoqué devant le tribunal correctionnel de Toulon pour soupçons de détournement d’argent public pour emploi fictif de… Patricia Arnould dont on ignorait exactement la fonction aux côtés de Marc Giraud alors maire de Carqueiranne.(2)
Depuis cette collaboratrice est devenue conseillère départementale et 1ère adjointe au maire de La Crau ??? Une promotion qui fait quelque peu jaser d’autant que le RN a renoncé au combat sous la pression des maires LR du canton, tous affublés du sigle “majorité départementale”.
Cela n’incite guère à voter pour un président de conseil départemental -choisi par Falco- dont la gestion est plus que contestée par les personnels et les citoyens. A noter que le budget a même été voté par les 6 élus RN avec les 40 LR. D’autres instructions sont en cours.
Ce que la campagne a révélé c’est qu’il n’y a, en réalité, aucun débat sur le choix de société autre que celui de gérer le capitalisme en changeant les gestionnaires, pas les finalités d’une société enfermée dans des critères qui tous, privilégient la classe des riches arc-boutée sur la notion de profits maximum pour les actionnaires et non sur la volonté de répondre aux besoins de la société dans son ensemble.
Quitte à sacrifier la planète et à l’exploiter très au-delà du raisonnable avec les conséquences que l’on sait.
Plus que jamais ce sont les luttes sociales et écologiques contre tous les reculs en cours, des salariés.es, du public et du privé, des agriculteurs, des étudiants, des petits entrepreneurs.es, artisans et commerçants…qui seront déterminantes. A condition qu’un débouché politique de véritable transformation sociale et écologique, issu de la base elle-même, voit le jour pour ouvrir, enfin, une perspective de progrès humain qui redonne de l’espoir à tout un peuple et l’envie d’en être un co-constructeur.ice.
René Fredon
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https://webmail1p.orange.fr/webmail/fr_FR/read.html?FOLDER=SF_INBOX&IDMSG=82582&check=&SORTBY=1
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