Dans sa lettre sur l’Europe diffusée dans les 27 pays de l’UE, Macron reconnaît que “Depuis la seconde guerre mondiale…jamais l’Europe n’a été autant en danger”. Le Brexit étant le symbole de la crise qui traverse “une Europe qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples…face aux grands chocs du monde contemporain.”
Qu’entend-il par là ? Il ne met en cause ni la dérive libérale, ni les politiques d’austérité, ni la domination de la finance mondialisée et sa course aux profits à court terme pour une poignée d’actionnaires. Et pour cause, il la met en oeuvre.
Pour lui, ce sont “le mensonge et l’irresponsabilité” de ceux qui n’ont pas dit la vérité sur ce qui se passerait s’ils sortaient de l’Europe et revenaient aux frontières du passé ? “C’est le repli nationaliste qui ne propose rien …c’est la faute aux exploiteurs de colère soutenus par les fausses informations..!” C’est un expert.
Bref, les colères, les déceptions, le rejet des peuples pour cette Europe en lambeaux…ce serait tout, sauf la faute de ceux qui la gèrent au nom de dogmes politiques libéraux qui mettent les peuples et les nations sous la tutelle d’institutions désignées (Commission, BCE…), un véritable déni de démocratie.
Pour lui, l’histoire de l’Europe, “c’est un succès historique. La réconciliation d’un continent dévasté…” Ce n’est pas le sujet, d’autant qu’il faudrait revenir aux circonstances et arrières-pensées politiques qui ne manquaient pas à l’origine. Tout le monde souhaitait et souhaite la réconciliation et la fin des guerres, à jamais. On a la guerre commerciale, y compris au sein de l’Europe et les conflits un peu partout qui alimentent les flux migratoires.
Tel est le résultat, 60 ans après, d’une construction qui s’est faite non seulement sans les peuples mais contre eux. Le bilan n’est pas glorieux pour tous ceux qui ont décidé et appliqué ces orientations funestes. Il leur faut affronter le jugement des grands oubliés, les peuples, qui subissent la dégradation de leurs conditions d’existence, la précarité, le chômage, les bas salaires et pensions, devant qui s’exhibe l’énorme montagne d’or que se partagent quelques méga-milliardaires se gavant sur la misère humaine et pourrissant la planète.
De quelle Europe parle-t-on ?
Ce n’est pas l’idée d’une Europe des coopérations et du co-développement durable entre pays libres et souverains qui est ici contestée, c’est, de plus en plus, la vision affairiste imprimée par ces dirigeants libéraux et sociaux-libéraux qui a mis l’Europe dans cet état et dénaturé la politique car méprisant les citoyens et les tenant à l’écart.
Ils se font désormais entendre comme lemontre le très grand succès des “manifestations du siècle contre l’inertie des gouvernements” -dont le nôtre- en matière de lutte contre les changements climatiques. Avec une participation exceptionnelle de la jeunesse.
Depuis les déboires de la chancelière allemande en fin de carrière, le président Français se sent pousser des ailes de premier de cordée en Europe pour redresser la barre…sans changer de cap. Mission impossible et à hauts risques dans un contexte de résurgence des vieux démons nationalistes un peu partout en Europe et dans le monde qui prospèrent sur les décombres d’un système en faillite que les partis d’extrême-droite veulent redresser “à l’ancienne” : ordre et discipline, “les étrangers dehors”…L’Europe a déjà connu ça et ça a très mal fini.
Au débat du 14 mars sur la 2 qui avait pour vedette M. Le Pen, LREM avait dépêché la ministre aux affaires européennes, Nathalie Loiseau, qui a profité de la circonstance -comme par hasard- pour annoncer qu’elle était prête à prendre la tête de la liste LREM, comme si elle n’avait pas été mandatée par Macron ! Elle a fait preuve d’une certaine maladresse, pour ne pas dire amateurisme, se disant motivée par son hostilité aux propos de Mme Le Pen comme si le RN était un parti hostile au “système” qu’il prétend combattre alors qu’ il le veut encore plus à droite.
Macron n’en a pas fini en France avec une contestation populaire inédite, à travers les Gilets jaunes et un mouvement syndical très actif bien que divisé. Il voit son autorité, sa crédibilité, son projet libéral remis en cause et son calendrier bouleversé. Il aura du mal à se faire passer pour le rédempteur d’une Europe perçue par les peuples comme un marché sans âme et sans avenir.
Il a beau promettre de “réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale : sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne...” Qui va le croire ? Il fait l’inverse ! Trop facile à la veille d’un scrutin, que ne l’avait-il dit plus tôt ! Les catalogues de promesses non tenues, ça ne marche plus.
Son crédo “moi ou le chaos” et son projet d’Europe fédéraliste ont immédiatement suscité une réponse cinglante de…la CDU d’Allemagne. “Le Point” la résume ainsi :
“La nouvelle patronne de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, a lâché plusieurs pavés dans la mare. Ses propositions ont de quoi alimenter des mois de controverses entre Paris et Berlin. Suppression du siège de Strasbourg pour le Parlement européen ; refus d’une assurance chômage européenne ; refus de la mutualisation des dettes entre États membres ; octroi à l’Union européenne d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU ; mise en chantier d’un porte-avions européen..” (1) Le couple franco-allemand a du plomb dans l’aile.
A noter que la lettre de Macron a reçu le soutien d’importantes personnalités du SPD et des Verts. Notamment la ministre de la Justice Katarina Barley. La discrétion de la chancelière Merkel en dit long sur son embarras, dû à sa fragilité politique et aux divisions dans le camp libéral et social-libéral. Ainsi qu’entre les Etats de l’UE.
Faut-il sauver cette Europe-là de son propre naufrage ? Faut-il la regarder se saborder ? Ou faut-il la refonder de fond en comble dans l’intérêt des peuples et sur quelles bases ?
Macron considérera que se poser ces questions c’est être anti-européen, comme d’autres considèrent que s’opposer à la politique d’Israël c’est être antisémite !
Nous essaierons d’éclairer les divers positionnements des listes connues.
Donc, à suivre..
René Fredon