On n’a beau ne pas vouloir gâcher le plaisir des fans de la F1, il faut se rendre à l’évidence. Si le retour du Grand Prix de France de F1 au Castellet est une bonne chose pour le Var et la Région sur le plan économique, sportif et médiatique, son accès, on s’en doute, ne sera pas donné à tout le monde.
Le “pass 3 jours” dans l‘enceinte générale du circuit vous coûtera…179 euros, s’il reste des places. Le jour de la course, le dimanche 24 juin, il faudra débourser de 259 à 499 euros ! Très dissuasif. Mais c’est une compétition internationale qui fera le plein (c’est le cas de le dire). Inutile de faire de la promo dans les quartiers populaires.
On est dans le sport-spectacle professionnel de haut niveau et, qui plus est, dans le sport automobile qui implique des équipements lourds (un circuit aux normes) et des prototypes qui coûtent une fortune en investissements et en entretien, avec des équipes techniques à plein temps autour des pilotes.
Cela met en jeu des sommes énormes, les firmes automobiles assurant le coût de la recherche, de la mise au point, des équipes, de l’entretien, des pilotes, les équipementiers, les annonceurs, les sponsors nullement désintéressés apportant des recettes non négligeables.
Le circuit crée par Paul Ricard en 1962, dans la foulée de l’aérodrome, a traversé des hauts et des bas surtout à partir de 1991, date à laquelle le président Mitterrand avait fait construire un autre circuit à Magny-Cours…dans la Nièvre, le Castellet fut écarté des grands prix de F1 ! On ne contrarie pas les désirs des princes.
En 1999 le circuit du Castellet est acheté par Bernie Ecclestone, ancien pilote devenu homme d’affaires (6è fortune d’Angleterre) qui règne sur la F1 et possède un club de foot-ball et la station des Diablerets en Suisse. En janvier 2017 il est remplacé à la tête de la F1 par un autre milliardaire, il avait 86 ans et une bonne retraite.
Ce n’est pas comme ces femmes devenues veuves à qui Macron veut supprimer la pension de reversion : jusqu’où iront-ils ?
Ni comme ces clubs sportifs, comme le FC Seynois et tant d’autres qui apprennent brutalement que leurs subventions sont supprimées ou réduites à la portion congrue ! Leurs dirigeants sont des bénévoles, grâce auxquels des gamins peuvent pratiquer la discipline de leur choix et peut-être, qui sait, réaliser leur rêve de devenir sportifs de haut niveau.
Le milieu du foot-ball en est plein de ces gamins de nos quartiers qui ont fini, par leur talent, grâce au club de leur enfance, par attirer le regard de recruteurs pour le compte d’un club pro. Et même s’ils ont délaissé, à un moment ou à un autre, la compétition amateure, ils garderont de cette période de leur vie, des souvenirs impérissables qui marqueront leur vie entière.
Ils sont peu, finalement, à faire partie de l’élite sportive professionelle, dans ce qu’on appelle le sport-business où les clubs se disputent à prix d’or de véritables talents dans toutes les disciplines et les transforment en stars du spectacle sportif dont le but est de rapporter gros aux investisseurs, propriétaires des clubs, parfois des stades, des circuits et des firmes qui interviennent et dont les sportifs seront des supports de publicité.
Ce recrutement populaire est encore plus sélectif dans le sport automobile, compte tenu du coût des investissements personnels en matériels et équipements quand on est débutant, il faut pouvoir payer les frais de carburants et d’entretien avant de pouvoir passer à la compétition. Puis intégrer un “team” avec un bon contrat, en attendant les retombées de ces annonceurs et des droits de retransmission si l’on fait partie de la super élite. Dans le circuit automobile de la F1 ils sont quelques dizaines dans le monde.
Beaucoup d’argent public
Christian Estrosi, lui-même adepte de la moto et qui a fait de la compétition, s’est beaucoup investi pour ce retour de la F1 au Castellet. Il a sollicité les institutions publiques de la région pour financer cet évènement géré par des entreprises privées. La métropole de Nice a donné l’exemple elle a mis 6 millions d’euros dans la corbeille des organisateurs, la région, les métropoles de Toulon et d’Aix-Marseille, les conseils départementaux, les CCI…au total 42 millions d’argent public ! (1)
Somme assez considérable et qui se passe de commentaires quand on la rapproche des maigres subventions qu’attendent de “petits” clubs locaux que les mêmes gestionnaires publics asphyxient.
Dans son élan, Estrosi a parlé de 65 millions de retombées économiques pour toute la région (estimation d’experts, paraît-il) et de 300 empois dès la première année, puis 500 la seconde…”qui profiteront aux gamins des cités de Nice, de Cannes…etc. Je vais leur offrir l’opportunité de se former, de faire des études dans l’automobile avec l’espoir de devenir commisaires de course, l’ascenseur social et la fierté n’ont pas de prix !”
La démagogie non plus. Au moins elle est gratuite. Pour l’instant, cet évènement a crée 1500 emplois…pour quelques jours. Mais on se rappellera des promesses et de l’argent public qui aura coulé à flots et manquera à d’autres activités plus sociales et plus discrètes.
Quant à “l’exemplarité environnementale”d’une telle compétition, chère au président de la région, on a envie de le renvoyer à des réalités plus tangibles : Combien de capteurs des émanations de gaz d’échappement et quels résultats avant, pendant et après la compétition et les essais ? Transparence s’il vous plaît. Le secret des affaires a bon dos.
Les plus grandes firmes, seulement, investissent dans les courses automobiles qu’elles présentent comme des tests technologiques intéressant l’ensemble de la filière automobile.
Sans mélanger les genres, quelle confiance peut-on leur accorder quand l’actualité met à l’index les principales d’entre elles sur le marché mondial.
Ainsi, le “dieselgate” révèle-t-il ces derniers jours que Volkswagen (Audi, son haut-de-gamme) et Daimler (Mercédès) doivent rappeler des centaines de milliers de véhicules en Europe parce que les informations concernant les émissions de CO2 et de NOx (oxyde d’azote), sont truquées à partir de logiciels illicites. Audi fait l’objet d’une enquête judiciaire du parquet de Munich pour fraudes et publicités mensongères !
Les firmes françaises, à leur tour, sont sur le coup d’une forte suspicion de surfacturation de leurs pièces détachées -grâce à un logiciel secret -il y en aurait pour plus de 1,5 milliard d’euros et ça dure depuis 10 ans ! (2) Leur image en prend un sérieux coup. Ce sont leurs clients qui payent. Les spectateurs et les contribuables pour ce qui est du GP de F1.
Tel est le contexte dans lequel va se dérouler ce grand prix, un évènement sportif de niveau international, largement médiatisé, prêt à recevoir des dizaines de milliers de spetateurs au mileu des cigales…si le temps et le bruit leur permettent de s’exprimer.
René Fredon
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