Faut-il qu’ils aient peur de la détermination des cheminots et du soutien grandissant de l’opinion, quoiqu’en disent les perroquets des JT, pour que, discret jusqu’à présent, le ministre de la transition écologique et solidaire…et des transports apporte sa caution à la réforme ?
Il a fini par avaler complètement son chapeau, si tant est que sa participation à ce gouvernement des riches n’était pas suffisante pour se faire une idée de son opportunisme et de la répudiation de tout ce qu’il a pu dire et écrire sur les freins que constituent les multinationales -et les Etats qui les représentent- à la transition écologique.
Il osait leur dire que “la violence capitaliste a colonisé tous les cercles du pouvoir”, il préconisait “d’y regarder à deux fois avant de prendre l’avion”, il interpelait les chefs d’Etat pour “qu’ils en finissent avec les beaux discours et les déclarations d’intention…“ (1) On en passe et des meilleurs.
Ce n’est pas si vieux, c‘était en octobre 2015, à la veille de la COP 21, il soignait sa gauche, sentant que, peut-être, son heure était arrivée, vu l’impopularité du président dont il était un des conseillers. Hélas, il y avait déjà un prétendant, alors ministre de l’économie…
Il n’avait donc rien dit depuis le début de la grève des cheminots, laissant la secrétaire d’Etat, Elisabeth Borne, fidèle fantassin ouverte au dialogue à une voix, relayer avec arrogance le 1er ministre pour tenter de faire passer les cheminots et tous leurs syndicats pour des demeurés qui n’avaient rien compris, ces archaïques arc-boutés sur leurs privilèges et leur statut, prenant les voyageurs en otages, bref responsables de la dette etc, selon l’argumentaire du pouvoir qui lui, avait l’avenir du rail au coeur et ne rêvait que de modernisation ! Pardi. Ils ne supportent pas qu’on parle de privatisation. Et pourtant on y va à grande vitesse.
Voilà que N. Hulot reprend la même antienne (2) : “le train c’est écologique…c’est parce qu’on aime le train qu’il faut réformer la SNCF !” “il faut remettre l’entreprise sur des rails soutenables…”, “on ne peut pas préparer l’avenir avec 46 milliards de dette…”, “il faut faire mieux avec l’argent que nous consacrons au train…” Que c’est original !
Il confirme à sa manière le dialogue de sourds qu’entretient le gouvernement qui ne cesse de répéter qu’il ira jusqu’au bout de sa réforme ! Une autre manière de dire : “causons toujours, ma décision est prise” et de ne pas comprendre que c’est sur le fond que les cheminots veulent discuter. Pas leurs interlocuteurs.
Car les salariés de la SNCF partent de l’intérêt des usagers et de la nation qui dispose d’un réseau ferré exceptionnel, peu à peu géré selon les critères de la “compétitivité” antinomiques avec la notion de service public. Ce qui ne veut pas dire laxisme mais exigence de qualité et de sécurité pour l’usager et de reconnaissance pour les cheminots. 25 000 emplois ont été supprimés entre 2007 et 2017 ! Par qui et pourquoi ?
Pendant cette même période, l’endettement est passé de 32,5 à 52 mds : la faute aux cheminots ?
La SNCF et les gouvernements précédents et actuel sont les seuls responsables de la dette et de la dégradation du service public qu’ils ont délibérément provoqués.
Le statut n’a rien à voir non plus avec cette dégradation. Au contraire, il assure une compétence, une qualification reconnue à travers le salaire prolongé par la pension. D’où l’attachement des cheminots à l’entreprise publique. Alors pourquoi le faire disparaître ? Il devrait être revendiqué par tous les salariés du public et du privé.
Ils se permettent d’humilier les cheminots en en faisant des nantis, des privilégiés ? Pour les opposer à d’autres salariés qu’ils “prendraient en otages “? Mais ce sont eux qui sont réellement pris en otage par le pouvoir qui a décidé d’en finir avec un service public qu’ils ont vidé de sa substance.
Ce ne sont pas les cheminots qui ont réduit les effectifs, fermé des lignes et des gares, augmenté les tarifs, crée une filiale “Ouibus” concurrente du rail ? C’est la SNCF avant même la loi Macron sur la libéralisation du rail, en 2015.
Les cheminots n’ont pas décidé non plus de livrer au privé le réseau : la privatisation a déjà commencé. Mais l’entretien de tout le réseau sera à la charge de ce qui restera de la SNCF !
C’est un retour en arrière sur tous les plans.
Non, la concurrence ne fera pas baisser les prix. C’est pour cela qu’en Angleterre, une très large majorité d’usagers réclame aujourd’hui la renationalisation du réseau ferré. Qu’on ne s’y trompe pas, en France comme ailleurs ils fermeront tout ce qui n’est pas rentable, du point de vue des exploitants privés. Même des lignes TGV.
C’est le droit au transport qui sera encore moins assuré sur tout le territoire. Même là où il suffit de rouvrir une ligne et de l’adapter aux besoins des populations. Peu importe pour nos “réformateurs”, ils mettront des bus, c’est plus écologique, n’est-ce pas ? Ils le font déjà comme ils ont réduit le frêt ferroviaire au profit de la route, de la pollution et des encombrements. Quelle modernisation ? Merci Macron, merci Hulot…
En vérité, ils sont dans le déni de la contestation de l’ensemble de leur politique qu’ils essaient de faire passer au pas de charge, aux ordonnances, aux forceps. Ils voient se développer les mobilisations sociales, pas seulement dans la fonction publique, à Air France et dans nos universités et lycées où la sélection ne passe pas, ni les finalités assignées à l’enseignement supérieur.
Ils voient se durcir le conflit avec les cheminots, la situation dans les hôpitaux ne peut plus durer, faute de volonté politique de leur donner les moyens dont ils ont besoin. Les clignotants sont au rouge, les patients en danger, les personnels, praticiens compris tirent le signal d’alarme depuis des mois, des années.
Leur réponse à tous les agents de la fonction publique : “vous pouvez partir, on ne vous retient pas !” Ils veulent en supprimer 120 000 d’ici 5 ans. C’est bien tout notre modèle social que Macron, son gouvernement, sa majorité ont l’intention de brader. Après les télécommunications, les énergies, les autoroutes, les aéroports et même les barrages !
Ils n’avaient pas prévu que les salariés, les jeunes, les retraités, les locataires, les mal-logés, les élus locaux (pour partie)…puissent contester leurs choix politiques générateurs d’encore plus d’injustices, de précarité, d’inégalités. Ni que tous les syndicats de cheminots ripostent dans l’unité la plus large et gagnent le soutien des usagers, malgré les efforts du gouvernement pour les dresser contre les grévistes en masquant ses véritables objectifs. La courbe est en train de s’inverser.
Peut-on rester neutre ou la tête dans le sable face à un tel enjeu de société ?
Ce n’est pas la montée au créneau de N. Hulot qui sera déterminante. Ce qui le sera, c’est le soutien de chacun à ceux qui luttent et, mieux encore, notre engagement à leurs côtés, dans notre propre intérêt.
Nous pouvons empêcher Macron de liquider nos services publics.
René Fredon
(1) “Osons, plaidoyer d’un homme libre” (ed. Les liens qui libèrent)
(2) Tribune Le Journal du Dimanche 8-4-18