« Il faut avoir le courage de la cohérence »
Ian Brossat, porte-parole du PCF, appelle la gauche française à s’inspirer du modèle d’union espagnol,qui respecte les différences de chaque parti.
La rentrée politique est actée cette semaine avec l’ouverture des différentes universités d’été. L’occasion pour chaque parti de réunir responsables politiques et militants, d’échanger, de débattre et de définir une base commune. À gauche, au lendemain de la bataille contre la réforme des retraites, la Nupes est ébranlée par des stratégies divergentes quant aux futures échéances électorales. Toute la semaine, La Marseillaise interroge ses différents représentants. Ce mercredi, la parole est donnée à Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste français.
La Marseillaise: Marseille, et récemment Nîmes, comptent leurs victimes sur fond de trafic de drogue. Comment le PCF se saisit de ce sujet ?
Ian Brossat : La question de la sécurité est majeure. La gauche aurait tort de considérer que c’est un thème qui doit être laissé à la droite à fortiori. Elle qui, comme le gouvernement actuel échoue lamentablement sur ce terrain-là. Les catégories les plus populaires souffrent le plus de l’insécurité. Il y a besoin d’un retour à la police de proximité, comme l’a proposé Fabien Roussel pendant la campagne de la présidentielle. Elle a été détruite par Nicolas Sarkozy quand il a été président de la République et aucun gouvernement ne la remise sur pieds. De plus, le besoin de s’attaquer aux trafics et notamment au trafic de drogue en remontant les filières. Mais cela suppose des moyens, notamment du côté des douanes, qui ont été complètement dépouillées depuis une dizaine d’années en France.
Que pensez-vous des polémiques autour de la présence de la Médine aux universités d’été de LFI et d’EELV, lui qui sera aussi à la Fête de l’Huma?
I.B. : Pour ce qui concerne le PCF, nous sommes sans ambiguïté aucune sur la nécessité de lutter contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les formes de discrimination. Nous continuerons à mener ce combat sans relâche. Quant à Médine, il s’est expliqué sur ses expressions passées dans diverses interviews récentes. Dont acte. Je pense qu’il faut rester concentré sur les préoccupations des Français en cette rentrée. La première étant le pouvoir d’achat, la lutte contre l’inflation, la rémunération du travail : nous avons bien l’intention d’enfoncer le clou sur ces questions-là. La deuxième c’est le changement climatique, dans cette période où la France est traversée par une canicule qui atteint des niveaux absolument considérables. Cela révèle deux choses : l’inaction coupable du gouvernement face au changement climatique et une fragilisation sans précédent de notre service public de santé. Ces politiques libérales ont saccagé le service public et donc devient urgent un changement pour obtenir que l’hôpital public soit remis sur pieds.
En réponse au défi climatique vous proposez un mix énergétique. De quoi s’agit-il?
I.B. : Si on veut lutter contre le dérèglement climatique il faut se débarrasser des énergies fossiles. Il est vain d’imaginer que l’on puisse le faire en ne s’appuyant pas sur le nucléaire mais uniquement sur les énergies renouvelables. Nous considérons effectivement que pour sortir des énergies carbonées, il faut s’appuyer sur un mix énergétique : d’une part le nucléaire, de l’autre part les énergies renouvelables. C’est comme cela que nous parviendrons à réaliser cette transition.
L’exemple espagnol, de coalition de gauche, vous inspire?
I.B. : Il est intéressant car la coalition de gauche a su faire vivre son union dans le respect de sa diversité. Ce qui contraste singulièrement avec le climat qui existe à gauche en France. C’est une coalition qui, au pouvoir, a fait la preuve de sa capacité à changer la vie du monde du travail. Le gouvernement espagnol a augmenté le SMIC de plus de 40% au cours de ce dernier mandat, grâce à la vice Première ministre chargée du Travail issue des rangs du Parti communiste, Yolanda Diaz. Les réformes qui ont permis de diminuerdrastiquement le recours aux contrats précaires. Et, ainsi, transformer ensalariés les employés ubérisés, les livreurs à vélo etc. On a un exemple en Espagne qui est extrêmement riche d’enseignements. Si la gauche pouvait prendre ce chemin-là en France, elle s’en sortirait assurément mieux.
Ne craignez-vous pas une dilution des voix ?
I.B. : D’abord, le mode de scrutin est à la proportionnelle et sur les enjeux européens, les différentes composantes de la gauche disent des choses très différentes. Le PCF s’est opposé à l’ensemble des traités européens libéraux qui nous ont été imposés depuis plusieurs décennies. Et les faits nous donnent raison, il suffit de voir le secteur de l’énergie. C’est l’Union européenne qui nous a obligés à le démanteler et à tout livrer à la concurrence. On voit bien aujourd’hui que les Français sont littéralement étranglés par le niveau de leurs factures. Je nous vois mal, demain, participer à une liste pour les élections européennes avec des gens qui, ont défendu et continuent de défendre tous ces traités européens, la concurrence libre et non faussée ettoutes ces lubies qui nous ont menés dans le mur. Il faut avoir le courage de la cohérence et c’est de défendre nos positions à l’occasion des électionseuropéennes. Les Français trancheront par leur vote.
Comment, dans ce cadre-là, renouer le dialogue entre les partenaires de la Nupes et l’élargir au peuple?
I.B. : Il ne faut pas faire une fixette sur la question de l’union aux élections européennes, ce n’est pas une bonne manière d’avancer. Par le passé, nous avons toujours présenté des listes distinctes, même quand les différentes composantes de la gauche gouvernaient ensemble, entre 1997 et 2002. Aller sur des listes différentes aux élections européennes ne doit pas nous empêcher de nous unir sur d’autres combats.
Fabien Roussel est la personnalité la plus populaire à gauche. Quelles sont les ambitions du PCF ?
I.B. : Ces études d’opinion nous encouragent et entrent en écho avec ce que les militants communistes ressentent dans leurs contacts avec la population. Fabien Roussel est populaire, la personnalité de gauche la plus populaire, c’est vrai chez les Français et c’est vrai aussi désormais parmi les électeurs de gauche. C’est lié, en mon sens à deux choses : sa personnalité, les Français le sentent, il est sincère, il ne joue pas un rôle. Deuxièmement, il défend avec les militants, une ligne qui est celle d’une gauche populaire, authentique, du monde du travail, de la feuille de paye, on a besoin de ça aujourd’hui. Notre ambition en s’appuyant sur cette force-là, c’est d’être utile au peuple, au plus grand nombre et de mettre cette popularité-là au service des Français, de ceux qui ont le plus besoin que ça change.
Entretien réalisé par Laureen Piddiu
« On a un exemple en Espagne qui est extrêmement riche d’enseignements. »
la marseillaise du jeudi 24 février 2023