Objet : Lu dans L’HUMANITÉ, NFP, RN, LR, qui votera une motion de censure… (2 articles)

 

Analyse : 

François Bayrou nommé premier ministre : NFP, RN, LR… qui votera une motion de censure ?

Alors qu’il vient juste d’être nommé premier ministre, François Bayrou fait déjà face au spectre de la censure. Colère de la gauche et trouble jeu du RN… L’Humanité fait le point sur les déclarations des différents groupes d’opposition.

L’équation est simple, posée sur le papier. Pour espérer tenir plus longtemps que son prédécesseur Michel Barnier, François Bayrou doit compter sur la non-censure d’au moins un des deux blocs d’opposition : le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire. État des lieux des positions de chacun, au jour de sa nomination.

La France insoumise annonce déjà la censure…

À peine François Bayrou nommé à Matignon, le coordinateur national des insoumis, Manuel Bompard a dénoncé « un nouveau bras d’honneur à la démocratie ». « Après avoir perdu toutes les dernières élections, Macron installe son premier et dernier soutien à Matignon. Faire tomber Bayrou, ce sera donc faire tomber Macron », annonce le député. Le groupe FI déposera à l’Assemblée nationale ce qui pourrait être la première censure du gouvernement Bayrou : « Deux choix s’offriront aux députés : le soutien au sauvetage de Macron ou la censure. Nous avons fait le nôtre », prévient Mathilde Panot, cheffe de file des élus FI au Palais Bourbon.

Le PCF dénonce un « déni de réalité » et propose un renoncement au 49.3…

Les communistes regrettent, par communiqué, la nomination de François Bayrou. « Le choix des urnes aurait dû le conduire à nommer un Premier ministre de gauche issu de la coalition arrivée en tête », rappellent-ils. Mais le PCF n’a pas encore pris position sur une éventuelle censure de François Bayrou. « Cette nomination envoie un mauvais signal, car les Français attendent une nouvelle politique, mais nous sommes prêts à débattre s’il renonce à l’article 49.3 », a déclaré Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, reprenant ainsi la proposition faite par la gauche lors des rencontres parlementaires à l’Élysée, en début de semaine (il s’agissait alors, pour un éventuel gouvernement NFP, de renoncer à l’article controversé de la Constitution). « S’il maintient le cap politique de Macron, ce sera la censure », prévient toutefois le porte-parole du PCF, Ian Brossat.

Les écologistes prêts à censurer…

Côté Écologistes, la censure est loin d’être exclue. « On va regarder la teneur de la politique qui se profile. Si c’est pour garder les mêmes aux postes stratégiques, dont M. Retailleau à l’Intérieur, si c’est pour ne rien faire sur les retraites, l’écologie et la justice fiscale, je ne vois pas quel autre choix nous aurions que de le censurer », a indiqué la patronne des Verts, Marine Tondelier. Le député Benjamin Lucas-Lundy, porte-parole du groupe à l’Assemblée, a indiqué plus tôt dans la journée qu’il voterait « à ce stade bien volontiers » une motion de censure contre François Bayrou, dont le choix constitue « un crachat au visage des électeurs et des électrices ».

Le PS « demeure dans l’opposition »…

« Les socialistes ne participeront pas à votre gouvernement et demeureront dans l’opposition », a indiqué le premier secrétaire du PS Olivier Faure à François Bayrou, mettant fin à la rumeur d’un hypothétique décrochage des socialistes du NFP. Le parti à la rose exige du nouveau chef du gouvernement qu’il renonce à l’article en 49.3, sans quoi il se placerait « sous la dépendance du RN » puisqu’il y aurait à nouveau motion de censure. « La poursuite d’une politique et d’une méthode déjà censurées aboutirait au même résultat », menace le PS.

Au Rassemblement national, pas de censure a priori…

« Il n’y a pas de censure a priori », a réagi Jordan Bardella, chef du parti d’extrême droite, après la nomination de François Bayrou. Le RN entend encore jouer l’arbitre des élégances du nouveau gouvernement, en se réservant le droit de censurer au moment qu’il arrange, et en servant de béquille à l’exécutif en attendant. Jordan Bardella a souligné toutefois que les « lignes rouges » du RN, qui ont mené ses députés à voter la censure de Michel Barnier la semaine précédente, restent les mêmes : « Pas de déremboursement des médicaments, ne pas fragiliser la situation économique et sociale des retraités. »

 

Publié le 13 décembre 2024

Cyprien Caddeo

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Objet : Lu dans L’HUMANITÉ, François Bayrou….

 

 

Portrait :

François Bayrou nommé premier ministre : le meilleur allié de Macron à Matignon

Le président du Modem et maire de Pau est devenu le sixième premier ministre d’Emmanuel Macron – le quatrième en un an. Pilier du camp présidentiel, cette figure du centre prônait, cet été, la fermeture aux « extrêmes », renvoyant gauche et RN dos à dos.

François Bayrou est un Jean-Louis Borloo qui a réussi. À l’image de l’ex-ministre de l’Environnement, il était, à chaque remaniement, pressenti pour être le chef du gouvernement mais sans jamais le devenir. Jusqu’à ce vendredi 13 décembre. L’Élysée a annoncé par communiqué nommer le président du MoDem premier ministre. Il devient le sixième locataire de Matignon en sept ans, le quatrième rien qu’en 2024.

Soutien tardif d’Emmanuel Macron lors de sa première campagne présidentielle, après avoir dénoncé dans un premier temps une candidature soutenue par « des grands intérêts financiers incompatibles avec l’impartialité exigée par la fonction politique », François Bayrou a accompagné les deux mandats du président. Le maire de Pau croit fermement à la doctrine du dépassement des clivages, telle que théorisée par Emmanuel Macron et qu’il avait lui-même développée, dix ans auparavant, lors de la campagne 2007. Interrogé récemment par l’Humanité sur sa ligne politique, François Bayrou la définissait ainsi : « Une volonté de dépassement de l’affrontement stupide droite contre gauche et de prendre le monde tel qu’il va. Avec, comme priorité, l’activité économique. Pour que la vitalité économique serve un projet social et républicain. »

Pour le centriste, Matignon est une revanche. Nommé garde des Sceaux dans le premier gouvernement d’Édouard Philippe en mai 2017, chargé de porter une grande loi pour la « transparence de la vie publique », il est contraint de renoncer à rempiler au lendemain des législatives, cité dans l’affaire des assistants parlementaires du Modem – pour laquelle il a été relaxé en première instance en février dernier. La justice coupe alors l’élan de celui qui devait être un des poids lourds de l’exécutif macroniste.

Le bilan peu reluisant des années Balladur…

Toujours incontournable au sein de la majorité présidentielle, fort des 57 députés MoDem élus en 2017, François Bayrou se fait recycler, en septembre 2020, haut-commissaire au Plan. Sa mission : « animer et coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État » et « éclairer les choix des pouvoirs publics ». Une fonction imaginée à l’origine par le général de Gaulle, en 1946, et ressuscitée pour l’occasion. Quatre ans plus tard, de nombreux doutes subsistent encore sur l’utilité réelle de l’institution, et la prise en compte de ses travaux.

Ancien ministre de l’Éducation nationale dans les années 1990 sous les gouvernements d’Édouard Balladur et d’Alain Juppé, François Bayrou partage avec eux un bilan peu reluisant, fait d’attaques contre la Sécurité sociale, de gel des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite et des allocations familiales, et de baisse de taux de remboursement des prestations médicales.

Avec Édouard Balladur, François Bayrou participe aux privatisations de la BNP, d’Elf et de Rhône-Poulenc, adoptées par 49.3, qui affaiblissent le rôle et les recettes de l’État. En tant que ministre de l’Éducation, sa grande bataille a été de proposer – sans succès – une réforme de la loi Falloux. François Bayrou voulait déplafonner le montant des subventions que les collectivités locales pouvaient verser aux établissements d’enseignement privé. Des manifestations pour défendre l’école publique et laïque ainsi qu’une censure de la part du Conseil constitutionnel avaient finalement eu raison de ses ambitions.

En 2007, cette figure du centre se lance dans la course à la présidentielle, dans une rhétorique pré-macroniste : il défend une ligne de synthèse au-delà du clivage gauche-droite, qu’il renvoie à « une guerre de clans, une guerre de camps ». François Bayrou obtient alors 18,57 % des voix, son meilleur score, puis quatre ans plus tard, en 2012, il tombe à 9,13 %. Il appelle alors à voter au second tour pour François Hollande plutôt que Nicolas Sarkozy (ce qui lui vaut l’inimitié de LR).

Quelle attitude face au RN ?

François Bayrou porte aujourd’hui le triste bilan d’Emmanuel Macron, le Modem faisant partie de la coalition macroniste au pouvoir depuis 2017.

Les résultats : des milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, l’affaiblissement du droit du travail et de la Sécurité sociale, le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans ou encore la suppression de l’ISF. Réformes devant lesquelles le Modem s’est illustré soit par son soutien inconditionnel, soit par son incapacité à faire changer d’avis Emmanuel Macron.

Au lendemain des législatives anticipées, François Bayrou s’était distingué en lançant un appel au « rassemblement » à Emmanuel Macron. Dans un entretien accordé au Figaro, il demandait au président de « former un vrai gouvernement, désintéressé, pluraliste et cohérent ».

Une équipe constituée de membres « représentatifs non pas des appareils de partis, mais des grandes sensibilités du pays », « réformistes, de gauche, du centre et de droite, républicains, hors extrêmes ». « Des personnalités qui se respectent entre elles et suffisamment expérimentées », décrivait-il alors. Un macronisme 2.0, en somme.

Après la censure et la nomination d’un nouveau premier ministre, une opportunité pour un budget plus juste ?

Une fermeture « aux extrêmes », donc au Rassemblement national (RN), qui ne l’a cependant pas empêché de voler au secours de Marine Le Pen à la suite des réquisitions du parquet, lors du procès des assistants du parti d’extrême droite au Parlement européen, qui prévoit notamment une peine d’inéligibilité potentiellement applicable pour 2027. « Je n’aime pas l’injustice, même quand elle est faite à mes adversaires », avait-il déclaré. Une sortie jugée « élégante » dans les rangs frontistes.

Quelle attitude adoptera-t-il face aux 124 députés RN et leurs 16 alliés du groupe d’Éric Ciotti ? Ira-t-il jusqu’à composer une majorité avec eux, au risque de lier son destin aux velléités de Marine Le Pen, comme Michel Barnier, ou regardera-t-il ailleurs ? Après s’être couché devant Marine Le Pen, le macronisme semble vouloir s’offrir une tentative de retour à la case départ. Sa dernière chance de survie ?

 

Publié le 13 décembre 2024

Anthony Cortes

 

 

 

 

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