Logement social sacrifié
Une loi pour chasser les moins pauvres !
Comme ça ils réduiront la construction de logements sociaux…c’est ce que le ministre du logement Guillaume Gasbarian vient de sortir de son chapeau. Il a pour objectif de “mettre fin au logement social à vie”! En commençant par expulser les locataires qui dépassent les plafonds de revenus de 20 % ? Viennent d’alerter les acteurs varois du logement social sollicités par VM (2-5-24).
Enfin quoi, vous n’avez pas honte d’habiter une HLM ? D’ailleurs on ne le dit même plus ou presque, de même que “logement social“, ça fait trop…populaire, assisté, pauvre. Le pouvoir et les maires de droite, dans les régions où le foncier est très demandé, ne cessent de détourner et de combattre la loi SRU depuis qu’elle existe, en 2000. Ils préfèrent payer des amendes…avec l’argent des contribuables.
Elle avait pour but de rééquilibrer la part de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants, à hauteur d’au moins 20% du parc public et privé. 70 % des foyers varois y sont éligibles par le niveau de leurs revenus qui sont plutôt à la baisse en même temps que les charges explosent.
Par idéologie et par intérêt politique, ces élus très libéraux considèrent le logement comme une marchandise qu’on achète qu’on vend ou qu’on loue, pour se loger bien sûr mais pour en devenir propriétaire et se faire un capital au lieu de payer des loyers de plus en plus chers, à fonds perdus. Ou bien encore investir et devenir actionnaire d’une opération spéculative.
Chacun voudrait pouvoir y accéder, ce qui suppose des revenus suffisants et stables. Les maires libéraux privilégient sans hésiter la copropriété au détriment de l’habitat social : ce ne sont pas les mêmes clients et consommateurs et, en général, cette population aux ressources modestes, quand ce n’est pas très insuffisantes est plutôt de sensibilité de gauche.
Ils en sont arrivés à désigner certains locataires HLM à salaires corrects comme des privilégiés. Bien que depuis janvier 1996 ils paient un surloyer dès qu’ils sont au-dessus de +20% de revenus. Ils veulent passer de 80 à 200 000 locataires soumis au surloyer.
“Ce serait absurde de les expulser sous prétexte qu’ils gagnent mieux leur vie….et cela ne libérerait pas assez de logements. Depuis 30 ans, le parc HLM s’appauvrit. Il faut au contraire faire entrer des ménages à bas niveau de revenu pour qu’ils puissent sortir de squats et de situations graves…” réagit le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
Son référent local également porte-parole du collectif “Droit au logement pour tous” dans le Var, Jean-Paul Jambon souligne qu’une telle loi va à l’encontre de la mixité sociale : “qu’arrivera-t-il de ces personnes quand elles seront à la retraite avec 30% de baisse de revenus. On ne pourra leur réattribuer un logement social !”
Et puis, précise-t-il, “ces “privilégiés” qui paient un surloyer à Var-Habitat ne sont jamais que 420 sur 16 000 logements, soit de l’ordre de 2,5%.”
La présidente de l’Union sociale pour l’habitat, Emmanuelle Cosse “trouve regrettable de ne rien prévoir pour faciliter la production de logements sociaux aux classes sociales les plus modestes.” Au niveau national, ce sont 2,6 millions de personnes qui attendent un logement, un record.
Ce gouvernement vient de créer une catégorie pour réduire l’accès au parc social, ils visent les classes moyennes. Les loyers locatifs intermédiaires, un peu moins chers que dans le privé, compteront dans les quotas imposés aux communes ? Une aubaine pour les promoteurs privés qui ne peuvent plus vendre leurs programmes réalisés devenus inaccessibles, ils pourront construire les LLI et bénéficier des financements.
Les listes d’attente grossissent chaque année l’objectif des libéraux macronistes, LR, RN et autres est de faire entrer tout le secteur du logement dans le marché : c’est leur conception de la solidarité nationale qui les conduit à accroître les inégalités sociales en se débarrassant du fardeau financier de construire des logements abordables sans but lucratif.
Après avoir réduit de 5 euros l’allocation-logement mis à la charge des offices d’HLM et réduit leur nombre en les regroupant, ils s’emploient à réduire les constructions de logements sociaux, en vendant aux locataires leur logement et en réduisant les constructions sociales loin de correspondre aux besoins des demandeurs.
Une situation intenable
C’est qu’il faut de l’argent pour préparer une guerre et il faut payer les déficits du budget ? Ce ne seront pas les grandes fortunes, pas les très hauts salaires, pas les très grandes entreprises qui reçoivent de l’argent public sans contrepartie…c’est nous qui payons déjà les succès des très riches au détriment de nos besoins les plus urgents et nécessaires. Privations qui vont rendre la vie encore plus difficile aux plus fragiles. C’est ça le capitalisme et ses serviteurs au service de sa domination.
Pour y résister il faut une conviction politique…constructive, c’est le cas de le dire, qui parte de la prise en compte des urgences sociales. Le logement est un droit ! Pas une formule, lorsqu’on mesure pour qui et pourquoi on construit, pour quelles catégories sociales ? Avec l’emploi, c’est la principale préoccupation des familles qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes, sur leur résistance, leurs actions contre les injustices, les humiliations, les négligences…et aussi pour réactiver la solidarité nationale qui se délite.
L’appel lancé par le PCF le 24 février 2024 aux acteurs du logement social, à tous les locataires et aux forces de progrès met l’accent sur le niveau atteint par la crise du logement, “la plus grave depuis l’appel de l’abbé Pierre il y a 70 ans!”
“Cette nouvelle attaque contre le logement social s’inscrit dans une stratégie politique de destruction de cette création de 1928 avec pour objectif de lutter contre les inégalités.
De la loi Boutin à la loi Élan, l’objectif est de détricoter les politiques qui sortaient le logement de la loi du marché en transformant le logement social en logement pour très pauvres”(1)
Les soutiens de ces régressions sociales d’envergure ne sont pas tous cyniques, il y en a qui craignent les mécontentements populaires dans et hors les grands ensembles.
Le projet de loi qui vise à “développer l’offre de logements abordables” suscite des déceptions au sein même de la mission sénatoriale. Leurs rapporteurs estiment qu'”il y a aggravation des problèmes de logement dans le pays.”On ne peut pas les contredire. Elles l’attribuent à la hausse brutale des taux d’intérêt qui a fait renoncer les primo copropriétaires dans l’incertitude des hausses à venir.
Une crise historique est-il écrit sur Public-Sénat. Après plus de dix ans de hausses continues des ventes privées d’appartements qui ont fait les beaux jours des promoteurs aujourd’hui à l’arrêt. Faudrait-il leur faire une tirelire ?
Mme Estrosi-Sasssone (LR),la présidente de la commission économie n’a-t-elle pas lâché ces derniers jours que “le logement est une bombe sociale et politique à retardement”.
Tandis qu’une autre rapporteure socialiste, Mme Artigas, opposée à l’assouplissement de la SRU s’insurge “d’un texte qui stigmatise les locataires et pense que les effets seront très faibles au regard des 2,6 millions de Français qui cherchent un logement social, ce n’est pas une réponse aux besoins que nous avons”.
En ces temps d’élection, donnons notre avis et ne laissons pas le RN poussé par un vent mauvais récupérer les mécontents d’une politique qu’il partage sur l’essentiel et particulièrement sur le logement social.
René Fredon