Dans son discours de politique générale, début juillet, le premier ministre annonçait que la réforme de la taxe d’habitation verrait le jour en 2019. Quelques semaines plus tard, le chef de l’Etat a tenu à rappeler qu’il entendait que la réforme de cette taxe comme celle de l’ISF soient adoptées avec le budget de 2018 et mises en oeuvre dans la foulée.
Est-ce cela qu’il avait en tête, entre autre, lorsqu’il a dit que “le 1er ministre n’imprimait pas”! lors de la réunion de cadrage de son gouvernement, le 26 juillet ?
Arrêtons-nous sur celle de l’ISF (impôt de solidarité(?) sur la fortune), nous reviendrons sur celles de la taxe d’habitation et de la CSG augmentée de 1,7% pour compenser la suppression des cotisations maladies et chômage.
Dans son programme (1) il est écrit notamment que “cet impôt ne représente que 1% des recettes fiscales…qu’il coûte cher à nos entreprises et à notre économie…que les actionnaires chercheraient des rendements excessifs à seule fin de payer l’ISF…qu’elle coûte cher à notre pays et conduit des centaines de contribuables à s’expatrier” !!!
Les pauvres, il faut les comprendre, s’ils trichent c’est la faute à l’Etat qui les fait trop payer. Alors, ils vont ailleurs…ils ont inventé les paradis fiscaux pour ça et ils y tiennent !
En somme, si on comprend bien, moins l’ISF pèse dans l’économie, moins il rapporte, plus il faut le…diminuer ? Sans doute pour “libérer le travail et augmenter le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires” !
Il est vrai que l’ISF pèse peu dans les recettes fiscales, ce n’est pas un hasard : 1,5% en 2016, 5 petits milliards sur un total de 341,2 Mds d’euros. C’est bien là tout le problème. Il a même baissé depuis 2014. Quand on sait que les 500 plus grandes fortunes de France sont passées, en 20 ans, de 80 à 570 mds de patrimoine en 2016, progressant 4 fois plus vite que le PIB…on se demande à quelle logique répond cette volonté de réduire encore le rapport de cet impôt si ce n’est pour contribuer à l’enrichissement des plus riches, comme l’ont dénoncé les députés communistes et FI ?
Le Figaro du 4 août, nous apprend que “les géants du CAC 40 confirment leur retour en forme…et que les banques françaises sont sur le toît de l’Europe.“. Tout va bien de ce côté. Bien sûr ce ne sont pas nos petites et moyennes entreprises qui sont concernées ? Encore que toutes ne sont pas à plaindre mais leur accès au crédit et aux marchés n’est pas à égalité avec les multinationales pratiquant par ailleurs la dissimulation fiscale à grande échelle ainsi que le dumping social.
L’ISF remplacée par l’IFI (impôt sur la fortune immobilière)
Pour Macron et son gouvernement, c’est encore trop. Conformément à la feuille de route de Buxelles, ils ont choisi de faire sortir du nouvel impôt la partie des patrimoines constituée d’actions, d’obligations et d’assurances-vie. Seuls les actifs immobiliers seront pris en compte, ce qui fera diminuer le montant à payer, tandis que les autres se trouveront exonérés de cet impôt !
Ce qu’explique le site de “Bienprévoir.fr”(2), dans ses “Trois recommandations pour échapper totalement à l’impôt Macron sur la Fortune”, lecture qui s’adresse naturellement à celles et ceux qui ont de l’épargne à confier à des spécialistes des meilleurs placements possibles, quitte à contourner les obligations fiscales nationales si elles leur paraissent trop défavorables. C’est presque toujours le cas.
Le site les invite à “ne pas tarder à se poser les bonnes questions…Lorsque la réforme sera définitivement connue il sera déjà peut être trop tard…” Il note que si le seuil d’assujettissement ne change pas (à 1,3 millions d’euros), “les détenteurs de patrimoine financier seront favorisés.” Ceux qui ne déclareront que leur patrimoine immobilier aussi puisqu’ils ne déclareront pas le reste.
“Beaucoup de Français y échapperont désormais...” à ce nouvel IFI, surtout s’ils suivent les conseils prodigués par le pro du conseil en gestion de patrimoine.
S’en suivent trois recommandations pour “transformer votre patrimoine immobilier en patrimoine financier après évaluation de vos biens et ne garder que votre résidence principale !” Le tour est joué. A noter que le cabinet de conseil reconnaît que le Luxembourg est bien un paradis fiscal pour les patrimoines qui s’y trouvent. N’est-ce pas Mr. Juncker ? (3)
Et après ça Macron aura encore le cynisme de nous dire que les impôts de tous diminueront dès 2018 ? Et que c’est pour le bien de l’économie française ?
Voudrait-il favoriser les placements de l’épargne vers l’économie réelle, les entreprises…en dissuadant l’épargne immobilière ? C’est ce qu’il prétend. Or, il n’en est rien, les possesseurs d’actions et d’obligations seront exonérés de l’IFI, donc un manque à gagner de 2 milliards de recettes pour l’Etat. La mesure ne fera nullement baisser les prix de l’immobilier. Les placements iront vers les plus hauts rendements.
C’est une mesure fiscale pour les riches, comme l’ensemble de sa politique fiscale et sociale.
On ne trouve d’ailleurs aucune trace d’engagements contre la fraude et l’évasion fiscales -qui coûtent entre 60 et 80 milliards à la France chaque année- dans le programme de Macron, préoccupé “d’encourager ceux qui investissent et prennent des risques”. Dans la foulée, l’impôt sur les sociétés sera ramené de 33,3% à 25%. Encore 10 milliards de recettes en moins.
Un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de l’ordre de 30% remplacera les prélèvements existants pour les actionnaires (intérêts, dividendes, plus-values), à leur grand avantage. Le CICE, sans effet sur l’emploi, sera transformé en allègement de charges, comme le demande le MEDEF.
L’objectif vise une réduction de 20 milliards des prélèvements obligatoires à l’horizon 2022. L’une des “économies” principales figurant au programme de Macron étant la réduction de la masse salariale…des fonctionnaires ! Ce qui veut dire encore moins de services publics à tous les niveaux. Histoire de creuser les inégalités sociales et entre les territoires, il n’y a pas mieux.
Il ne faut pas chercher plus loin la raison d’une impopularité qui n’a pas mis trois mois à s’exprimer. Et ce n’est pas ce qui nous attend qui pourra l’atténuer.
“L’égoïsme social est un commencement de sépulcre…la prospérité matérielle n’est pas la félicité morale” disait Victor Hugo, en 1875 (le droit et la loi)
René Fredon
(1) https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/fiscalite-et-prelevements-obligatoires
(2) https://www.bienprevoir.fr/reforme-isf-macron-2018-que-faire-des-maintenant-pour-en-profiter/?utm_medium=Discovery&utm_source=outbrain&utm_campaign=Reforme-isf-IFI_desk&utm_term=0035a52c18c3095aee4c4af00263e1cf23&utm_content=00b97250bd59ce5d5e2f6b47ac691b812c
(3) l’actuel président de la commission européenne jusqu’en 2019 et l’ancien ministre des finances du Luxembourg “directement impliqué dans l’affaire Luxembourg Leaks, un scandale financier concernant des centaines d’accords fiscaux très avantageux conclus par des multinationales avec le fisc luxembourgeois afin d’échapper aux impôts des autres pays européens…” peut-on lire sur Wikipedia.