Manifestation moins suivie et plus marquée à l’extrême-droite
Le cortège toulonnais est en très sensible régression, entre 8 000 et 10 000 personnes, il demeure encore l’un des plus importants de l’hexagone si l’on en croit les chiffres -confirmés par la police- pour les grandes villes, y compris Paris.
A Toulon un rassemblement toujours très hétéroclite, plutôt jeune, a refait le tour du centre de la ville pour le cinquième w-e. Certes s’y est exprimée l’hostilité au pass-sanitaire et à la vaccination obligatoire qui en est la conséquence directe, au nom de la liberté de disposer de son corps, certain allant jusqu’à l’arrêt de la vaccination dont l’efficacité est mise en cause puisque l’épidémie en est à la quatrième vague et l’on parle déjà de troisième dose ! Ce qui est sûr c’est qu’on n’en a pas encore fini.
Certaines pancartes ont des relents complotistes -“il y en a qui tire les ficelles“-quand ce ne sont pas des relents anti-vaccins -“on nous empoisonne on n’est pas d’accord”, “touchez pas à nos enfants”ou, carrément,” il n’y a pas d’épidémie, à La Réunion il y a eu 12 vaccinés, 12 morts...” a-t-on entendu au micro, avant le départ, par un anonyme ? Une autre d’un format réduit, comme la plupart, avec “L’armée et la police avec le peuple, nous vous faisons confiance“…ce pourrait être un mot d’ordre de gauche mais vu le contexte, ce serait plutôt “épuration de l’armée et de la police de tous les Français d’origine étrangère, en particulier musulmans”
Qu’il soit bien clair que l’on ne doute pas que de grands intérêts privés qui fournissent les vaccins sont très intéressés par le marché qui s’est ouvert du fait de leur propriété absolue sur les brevets à laquelle ils ne veulent pas renoncer, pas même temporairement ! D’où les inégalités vaccinales qui suivent les inégalités sociales en France et dans le monde.
La manif elle-même a plus que des relents de récupération par l’extrême-droite qui mettent mal à l’aise les rares militants syndicaux et de gauche de moins en moins nombreux et visibles. Peu iront jusqu’au bout. Les «organisateurs” autoproclamés monopolisent le micro sur la place de la Liberté. Le leader habituel Alexandre Juving-Brunet ex-capitaine de gendarmerie en réserve a fait applaudir son couplet favori : “pas de parti, pas de syndicats, ils ont trahi”. Il fait partie des hauts gradés qui ont signé, début avril, un sulfureux appel au soulèvement de l’armée “pour défendre nos valeurs civilisatrices et de sauvegarde de nos compatriotes” et pour “dénoncer l’infiltration de l’armée par les musulmans”
Il s’est bien gardé d’en informer les manifestants qui, pour partie, ignorent tout de son engagement politique qui coïncide avec l’initiative lancée par Philippot -lequel dispose de temps puisqu’il n’a plus de mandat- pour faire parler de lui, candidat déclaré à la présidentielle. Haranguer la foule pour cultiver “l’apolitisme” de la manifestation ne manque pas de souffle.
Il en a et ce n’est pas illégal, comme nous avons le droit de donner notre opinion sur sa pensée, ses propos et ses actes. Les initiateurs de la manifestation s’appuient sur une politique gouvernementale d’ensemble effectivement très critiquable. Sauf que les finalités de l’extrême-droite vont plus encore en sens inverse d’un rétablissement de la démocratie et des principes de la République qu’ils essaient aussi de s’approprier pour donner le change.
D’ailleurs, Macron également n’a que la République et ses principes à la bouche. Depuis qu’elle a été proclamée puis abolie puis rétablie…que sont devenues la Liberté, l’Egalité, la Fraternité : de belles paroles et beaucoup de guerres, un peuple muselé, sauf au moment du Front Populaire, à la Libération, en mai 68 et en 81…pour deux ans seulement. De quel côté se trouvait l’extrême-droite ?
Aux Etats-Unis, Trump est devenu Président en 2017 : le FN fut le premier à le féliciter et le dernier à le soutenir !
Comment peut-on entretenir l’illusion qu’une alternance à droite et à plus forte raison à l’extrême-droite va nous sortir de la crise du capitalisme, antérieure à la pandémie et qui ne peut que s’aggraver en raison des conséquences qu’elle génère : sanitaires, économiques, sociales, climatiques ? Et dans un cadre mondial des plus instables.
Croit-on que l’on va construire un mouvement populaire social, progressiste, démocratique, écologiste…en rupture avec le libéralisme et en alliance avec les ultras conservateurs nationalistes, racialistes, antisémites et anti-musulmans…qui trouvent que Macron ne va pas assez loin dans le tout sécuritaire, en agitant la menace du “grand remplacement” et de la guerre civile !
Mais sans jamais évoquer la nécessité d’en finir avec la domination de la haute finance et les pleins pouvoirs qu’elle exerce par gouvernements interposés. Ce qu’ils veulent, c’est l’ordre social tel qu’ils le conçoivent : au service du capital. Ne leur parler surtout pas de lutte des classes !
Ils ont bonne mine avec leur “comité de salut public” crée en avril 1793, en même temps que l’insurrection en Vendée opposait l’armée républicaine à l’armée catholique et royaliste ! Ce n’est pas la pudeur et la rigueur historique qui les embarrasse. Une constante pour brouiller les pistes.
Avec toute la responsabilité des gouvernements qui, comme le nôtre, avaient sous-estimé voire nié l’épidémie partie de Chine, la réduction de nos capacités hospitalières se poursuit, il nous faut prendre la mesure des conséquences humaines d’une pandémie qui a déjà fait 4,4 millions de morts, (L’OMS considère que ces chiffres sont à multiplier par deux ou par trois) ! Près de 120 000 en France. La covid-19 est loin d’être maîtrisée.
Le pronostic récent de l’Institut Pasteur n’est guère réjouissant : “à partir de septembre, la moitié des contaminations concerneront les enfants et les adolescents.”Et l’on n’évoque pas souvent les rechutes graves de centaines de milliers de personnes, en France, malades du covid long, plusieurs mois après leur infection et qui présentent des troubles sérieux post-viraux. Cette appellation n’est toujours pas reconnue par le gouvernement !
Il n’y a toujours pas de traitement contre la maladie qui continue sa progression. Elle sera l’un des enjeux centraux de la présidentielle avec les exigences climatiques à traduire et la justice sociale en urgence qui commandent une reprise économique loin d’être évidente comme le claironne la communication officielle du pouvoir qui n’a pas attendu pour se mettre en campagne.
Oui, il y a besoin de luttes quotidiennes unitaires pour résister à l’emprise du capital sur nos vies ainsi que de mobilisation populaire sans précédent qui prenne en main son destin en faisant la clarté sur les enjeux politiques de cette élection : soit un durcissement à droite et à l’extrême-droite, faire-valoir plutôt qu’adversaire inconciliable, soit on construit collectivement une société qui maîtrise les institutions financières pour prendre en compte l’intérêt général et non les intérêts privés. Et cela sous le contrôle du peuple appelé à définir ses priorités.
Il n’y a pas de place pour les contrefacteurs.
René Fredon