Coup dur pour Emmanuel Macron et le gouvernement, en cette rentrée sociale qui s’annonce mouvementée compte tenu de la feuile de route annoncée par le 1er ministre. Du jamais vu en matière de régressions sociales et d’atteintes au pouvoir d’achat des catégories populaires et moyennes.
Hier matin sur France-Inter le Ministre d’Etat de la transition écologique et des transports a annoncé qu’il quittait le gouvernement parce qu’il ne voulait plus se mentir à lui-même et qu’il se sentait bien seul pour porter la vision qui était la sienne et qui avançait à tout petits pas, là où il espérait convaincre de l’urgence de la situation et de l’ampleur des moyens à se donner face au défi climatique et à notre mode de production générateur d’atteintes graves à l’environnement et à la santé publique.
Il avait mis à profit les 15 jours de repos pour mûrir sa décision dont il n’avait pas parlé ni au président, ni au 1er ministre auxquels il garde toute son estime.
Moment assez solennel, au bord des larmes, il prenait acte des opposions qui existaient au sein du gouvernement et qui l’avaient conduit à envisager à plusieurs reprises de quitter ses fonctions, tant il lui semblait cautionner des décisions qui heurtaient sa conscience et ses convictions. La transition écologique passait après tout le reste, “le court terme préempte tout”, les retards s’accroissent au lieu de se résorber.
Un mal-être palpable qui se sentait depuis le début. Il avait été conseiller spécial de Hollande, pour la planète et il avait eu de l’admiration pour le ministre de l’économie et des finances qui avait eu l’audace de se présenter à la présidentielle et de gagner son pari en laissant derrière lui un paysage politique en décomposition-recomposition.
Il y avait vu un renouveau de la politique et avait tenté l’aventure, compte tenu de ses compétences, de son engagement de longue date pour l’écologie, de son marquage à gauche. Il avait été candidat à la primaire des Verts en 2012 et il avait été battu.
Macron qui arborait le “ni droite, ni gauche “ avait su lui donner sa chance, laissant croire à une ouverture d’esprit non partisane. Et il avait répondu présent pour faire avancer la bonne cause qu’il considère devoir transcender les vieux clivages au profit d’une “union nationale” qui réunirait les meilleurs, par delà les questions d’intérêts personnels et de conception de la société.
Cette illusion lui revient à la figure, il en est conscient tout en ne voulant pas que sa décision porte préjudice ni au chef de l’Etat, ni au 1er ministre (?) auxquels il porte une estime sur laquelle il a tenu à insister. L’homme est aussi sensible, tellement sensible qu’il dit ne pas les avoir informés pour ne pas risquer de céder à leur insistance.
Sincérité ou éléments de langage de circonstance ? Difficile de ne pas se demander ce qu’il est allé faire dans cette galère ? Comment a-t-il pu prendre Macron pour un perdreau de l’année qui ne penchait pas sérieusement à droite ? Il avait été au parti socialiste, est-ce que ça suffit comme brevet de progressisme ?
Quinze mois après on a une autre vision du sens de sa politique qui lui ont valu la qualification de “président des riches” qu’il tient à mériter en voulant coûte que coûte faire passer ses réformes qui risquent de provoquer une mobilisation générale tellement il appuie fort là où ça fait mal. Rassurer les privilégiés, ménager les riches et faire payer les plus modestes, jusqu’aux APL qui vont encore diminuer, comme les prestations sociales…
Sur ce terrain ultrasensible Nicolas Hulot s’est signalé par sa discrétion. Sur les privatisations des services publics également. C’est pourtant lié à la prise de conscience des problèmes de la transition écologique. Allez donc vous intéresser à l’avenir de la planète si votre lendemain est de plus en plus compromis. Si vous êtes chômeur, précaire, si vous ne pouvez plus vous loger ou payer vos charges, votre loyer -vu la spéculation immobilière encouragée- si vos maigres ressources diminuent encore, si vous n’avez pas de quoi payer une mutuelle etc…
Certes il n’arrivait pas à se faire comprendre au sein même du gouvernement où il se sentait bien seul tout en travaillant beaucoup. “Tous les jours je me résignais à m’accomoder des petits pas…à voir l’écologie toujours reléguée…les ressources naturelles s’épuiser, la biodiversité fondre comme neige au soleil…nous avons basculé dans la tragédie climatique, je ne veux plus me mentir…la cause : un modèle économique marchand jamais remis en cause..!”
Ministre le plus populaire dans un gouvernement qui l’est de moins en moins, sa décision ne manquera pas d’avoir des conséquences au sein de cette majorité qui pourrait bien s’avérer plus éphémère qu’elle ne le pense.
René Fredon