Samedi, au terme d’une journée mémorable, Michèle Rubirola, à la tête de la liste de gauche et écologiste, a été élue Maire de Marseille à la majorité absolue des suffrages, soit 51 voix sur 92 exprimés mais aussi par rapport aux 101 conseillers municipaux !
Il était 15 h lorsque Jean-Claude Gaudin lui a passé l’écharpe tricolore sous les applaudissements de la nouvelle majorité et les vivats de la foule massée devant la mairie depuis le matin 9 h, où nombre de Marseillais.es agitaient leurs trousseaux de clés en signe de vigilance.
Car il n’était pas acquis que des tractations ne puissent pas contourner le vote majoritaire des citoyens dans les urnes et que des conseillers d’autres listes se reportent sur le candidat de droite Guy Tessier, présenté au dernier moment, à la place de la tête de liste Martine Vassal, battue dans son propre secteur. Ce qui n’était pas un bon signe…
De suspension en suspension de séance le temps passait et le premier tour du matin n’avait donné aucune majorité absolue, par rapport aux exprimés. Stéphane Ravier pour le RN avait annoncé le départ de son groupe -qui n’avait aucune chance de l’emporter- et qui ne pouvait pas non plus se désister publiquement pour une droite qui venait d’être battue dans les urnes. Il évitait aussi le risque que des colistiers se laissent tenter…
Restait Samia Ghali, ex-PS qui s’était présentée au 1er tour et avait recueilli les 8 voix de son groupe, dont le report était décisif. Elle a, avant le second tour, l’après-midi, après plusieurs rencontres avec Michèle Rubirola, annoncé son désistement en sa faveur.
Le suspens était terminé et le vote des conseillers confirmait celui des électrices et électeurs qui étaient enfin rassurés et laissaient libre cours à leur enthousiasme.
Première femme, maire de Marseille, Michèle Rubirola, née à Marseille et médecin dans les quartiers Nord, a prononcé une allocution de haute tenue, après le traditionnel et bref hommage à son prédécesseur.
Promettant “la fin du clanisme et du clientélisme… Ensemble, nous allons démontrer que la volonté politique peut déplacer des montagnes et qu’il n’y a dans cette ville aucune fatalité.
Au-delà de cette assemblée un peu solennelle je voudrais surtout que mon discours s’adresse à toutes les Marseillaises et tous les Marseillais.
Aux « gens de peu », ceux qui vivent avec moins de 950 € par mois, aux « gens de rien », ceux à qui il ne reste que leur dignité, à tous ceux qui souffrent de la misère et de la pauvreté, fléaux de notre ville, à tous je veux leur dire on ne vous abandonnera pas !
Une phrase aussi pour “les enfants d’immigrés de plusieurs générations, qui peuvent parfois se sentir à la marge, vous êtes chez vous à Marseille et nous avons besoin de vous, de vos talents, de votre énergie. Tous vous méritez notre respect.
Un accent de sincérité, une détermination à créer du lien social et tirer vers le haut le potentiel humain de la ville, en toute conscience du contexte difficile, une volonté de faire de Marseille “une ville plus verte, plus juste et plus démocratique”Un de ces discours qu’on n’entend pas si souvent dans les assemblées de la métropole varoise pour nous en tenir là.
Certes, ce n’est qu’un discours, des intentions dans l’euphorie -enfin permise- d’une victoire électorale. Mais pourquoi n’entend-on jamais, à droite, cette empathie pour les gens qui se trouvent aux prises à de graves difficultés sociales au quotidien, pour survivre, se loger, trouver un travail, se déplacer, se soigner etc…
S’il y a une leçon à tirer de cette difficile et méritoire victoire après 25 ans de règne du maire LR JC Gaudin sur Marseille, c’est la construction persévérante du plus large rassemblement à Marseille des forces de gauche, écologistes et citoyennes, passé par plusieurs phases, quelques-unes très délicates mais qui a fini par se concrétiser et l’emporter sur une droite divisée et très “démonétisée” par une fin de mandat à scandales. Une victoire historique que savourent les Marseillais. Enfin pas tous.
Inutile de dire que ce basculement de la 2è plus grande ville de France, dans un Sud plutôt à droite et à l’extrême-droite ne peut que réjouir tous les progressistes. Elle confirme une poussée réelle de l’opposition de gauche là où elle est rassemblée mais ne doit pas être sur-interprété, compte tenu de l’ampleur de l’abstention notamment. Elle laisse intact le débat sur le contenu de l’alternative politique au néolibéralisme qui sera au coeur des campagnes à venir.
Car il ne s’agit pas de trouver le plus petit dénominateur commun pour un plus large rassemblement attrape-tout, mais de réussir une transition sociale et écologique qui l’emporte sur les dogmes libéraux.
La conquête de grandes villes est très importante pour l’expérimentation de tout ce qui doit évoluer en matière sociale, écologique, démocratique…mais le rapport des forces se jouera de façon déterminante sur le terrain des luttes sociales qui s’annoncent redoutables.
René Fredon