Ils croient avoir sauvé la face en brandissant des conclusions adoptées par les 28 Etats membres constituant le Conseil européen réuni les 28 et 29 huin 2018.
En fait ils ont durci, concernant l’accueil des migrants, les dispositions que souhaitaient les forces de droite et d’extrême-droite les plus hostiles à l’égard des populations fuyant leur pays ravagé par la guerre, les persécutions, les destructions, les dictatures…
Le président en exercice, Donald Trusk, ancien premier ministre polonais, pays fortement hostile à la politique européenne jugé trop laxiste, a néanmoins tempéré “l’accord” que menaçaient de ne pas signer laveille, plusieurs Etats dont l’Italie particulièrement inflexible et refoulant l’accostage de navires d’OMG dans ses ports depuis l’arrivée de l’extrême-droite au gouvernement.
“Il est beaucoup trop tôt pour parler de succès” a-t-il déclaré après la signature de conclusions abordant tout un ensemble de thèmes sous forme de généralités visant à masquer les désaccords et formulant davantage de justifications des politiques mises en oeuvre et la volonté de les poursuivre dans le sens voulu par les Etats les plus déterminés à s’opposer “aux envahisseurs menaçant la civilisation chrétienne et européenne”.
Il a donc fallu donner des gages à tout un ensemble de pays : Pologne, Hongrie, République Tchèque, Italie, Autriche mais aussi Allemagne depuis l’entrée récente de l’AfD au Bundestag, ce qui a beaucoup affaibli la chancelière A.Merkel, son ministre de l’Intérieur faisant front commun avec ses homologues italien et autrichien !
On connaît le prétexte : empêcher les franchissements illégaux de nos frontières et refuser le plus possible de migrants qui ont pris d’énormes risques et payé très cher pour traverser la Méditerranée en vue de demander l’asile et/ou rejoindre leurs familles. Donc ne pas laisser les pays d’Europe du sud les plus proches du départ seuls à assumer la charge de l’accueil et du contrôle des arrivants. Ce qui ne pouvait qu’être exploité contre les insuffisances de la politique européenne…et donner prise à son rejet avant de justifier son aggravation !
Ce que Macron et Merkel ont accepté d’améliorer…tout en ne revenant pas sur les accords de Dublin qui prévoient le contraire ! “Il faut, d’urgence, s’attacher davantage à assurer des retours rapides et à éviter que de nouvelles routes maritimes ou terrestres ne s’ouvrent …” , point 4 des conclusions. (1)
Ou bien encore ceci :“il est nécessaire de supprimer l’incitation à entreprendre des voyages périlleux …” Comme si le fait de fuir son pays en ruines, le chaos, la dictature, la répression, la famine….nécessitait une dissuasion, comme si ces hommes, ces femmes, ces enfants partaient faire du tourisme après des mois de marche jusqu’à un port ??? En plus ils sont victimes de passeurs qui se rendent incontournables !
Il ne faut pas qu’ils arrivent, voyons, ouvrons des centres de tri, de préférence hors des frontières de l’UE et coordonnons-nous, ici, pour les refouler…fermement et le faire savoir : ils ne sont pas les bienvenus.
C’est une honte de lire, entre les lignes parfois, plus clairement d’autres fois, l’intention d’un tel texte que les leaders de l’Europe en péril ont proposé pour ne pas se séparer sans rien adopter, ce qui aurait donné un très mauvais signal, certes. Mais au prix de concessions qui ne sont pas que de formes. Elles sont indignes des valeurs républicaines qu’est censé porter le président de la République qui veut aller vers un fédéralisme largement condamné.
Comme le dit le président de la Cimade : “ On ne combat pas Le Pen en faisant du Lepénisme !”
Non seulement la droite ne le combat pas mais elle le promeut en reprenant ses slogans raccoleurs sur les peurs de l’autre et le risque terroriste, le repli nationaliste identitaire.
Pour ceux qui atteindrait un pays de l’UE, il est demandé “un effort partagé, par un transfert dans des centres contrôlés établis dans des États membres, uniquement sur une base volontaire…” ! Elle est belle l’Europe du partage. Quel encouragement au refus des maîtres-chanteurs xénophobes de tendre la main à ceux qu’ils présentent comme des menaces. Ils doivent se frotter les mains.
D’autant que droite et extrême-droite ne remettent pas en cause le système de libre-échange, le libéralisme qui explique pourquoi règne un tel chaos partout dans le monde, accélérée par Trump et sa volonté de guerre économique et de suprématie mise à mal. Il a le soutien des extrêmes-droites européennes notamment. Ce modèle d’une société de marché et de marchands leur va très bien. Les capitaux et les marchandises peuvent circuler libreùent…pas les hommes !
Ce qui fait dire à Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture du Mali : “les migrants sont les réfugiés d’une guerre économique et les dirigeants européens savent parfaitement qu’ils ont cruellement besoin des richesses des pays d’origine de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants dont ils ne veulent pas sur leur sol.
Ceux qui organisent la chasse à l’homme sur leur territoire, en mer, dans le désert sont largement responsables de la paupérisation de ces populations. On occulte complètement les causes historiques et structurelles de l’errance de ces hommes et de ces femmes, la responsabilité des pays européens dans la destruction des éco-systèmes, du tissu économique et social…comme si le commerce ne prenait pas la forme d’une guerre éonomique livrée à des peuples qui n’ont rien demandé…Nous assistons à un naufrage moral de l’Europe du commerce international et de la finance” (2)
Mais, a dit Macron en ouvrant sa conférence de presse, ” l’Europe n’a jamais autant avancé dans le domaine de la défense, l’Europe est ferme et unie face aux attaques américaines en matière commerciale, accord dans le numérique.. avant d’aborder le point crucial, les migrations, “conséquence de la dynamique démographique de l’Afrique (?), le droit d’asile ce n’est pas la totalité des flux migratoires, il y a une cohésion européenne à tenir…etc” Autrement dit la cohésion n’est pas acquise. “On a fait le choix de la coopération“.
Un plaidoyer diplomatique qui n’aura guère convaincu que les inconditionnels du macronisme. Parler de “plus d’efficacité et plus de solidarité”, c‘est se moquer du monde ! Et en plus, il trouve cet accord conforme à nos valeurs !
Les réfugiés, les demandeurs d’asile, les ONG, les associations et les bénévoles de l’aide aux migrants, les progressistes…apprécieront.
René Fredon
(1) http://www.consilium.europa.eu/media/35943/28-euco-final-conclusions-fr.pdf
(2) Humanité du 28-6-18