Il en rêvait depuis si longtemps, l’ancien ministre de Sarkozy, ancien député, ancien conseiller régional, ancien maire de Valréas…Il ne lui restait aucun mandat, plus rien après 42 ans dans la famille gaulliste (UDR, RPR,UMP, LR). A la Présidentielle il était encore aux côtés de Fillon…pas de chance !
Très courtisé par N. Dupont-Aignan et par M. Le Pen (qui avait choisi ce dernier comme 1er ministre au ca où…) T. Mariani s’est vu offrir une place sur leur liste aux Européennes, il n’a pas hésité : il est passé sans état d’âme au RN qui, malgré les affaires en cours concernant des emplois fictifs au parlement européen, est donné en tête, vu l’impopularité de l’UE, la déconfiture de Macron et l’émiettement de la gauche et des écologistes.
Ce n’est pas du tout une trahison pour l’intéressé qui, à peine ralliée sa nouvelle famille, la présente comme “le RPR des années 80″, autrement dit “gaulliste” ! Adieu les attentats contre De Gaulle, l’amour-vache entre l’OAS si proche du FN et les gaullistes avec leur SAC. Ils avaient cependant au moins un point commun : l’anticommunisme. Ce qui n’a pas changé.
LR et RN sont devenus tellement compatibles que T. Mariani ose voir dans l’évolution du FN une révision de son programme européen et social qui lui donnerait une tout autre allure que l’image d’extrême-droite, qu’il s’efforce d’effacer. Finie la sortie de l’Europe et de l’euro. Bien que sur les migrants, l’identité, la sécurité, l’islamophobie…on ne peut pas dire que le “changement” soit avéré. Ils cultivent les peurs et le repli nationaliste. La politique de Trump leur va très bien.
Reconnaissons à T. Mariani son aisance à manier le double discours, il n’est pas le seul : en juin 2017, il trouvait le programme de M. Le Pen plus proche de celui de Mitterrand en 1981 que de celui des LR ? Dix huit mois plus tard il est séduit par l’audace du RN, beaucoup moins par les hésitations des LR et de Wauquiez qui hérite de l’éclatement de la droite et qui cherche à enrayer l’hémorragie des électeurs LR vers le RN.
Mariani n’hésite plus, il court vers le parti le plus à droite qui lui donne sa chance de retrouver un mandat -il faut bien vivre- après, il faut juste assumer et se crédibiliser. Nécessité fait loi. Il y a des années, c’est vrai, qu’il préconise un rapprochement entre la droite et la droite extrême (il n’utilise pas les mêmes mots), ce que fait de son côté Marion Maréchal Le Pen pour former un ensemble à vocation majoritaire, car seul, le RN a peu de chance d’y parvenir, la droite traditionnelle très divisée aussi, compte tenu de son alliance avec Macron et sa république en marche, aujourd’hui à l’arrêt.
Le problème c’est que le risque de propulsion des idées de l’extrême-droite s’en trouve renforcé et que cette stratégie, si elle se concrétisait, conduirait à une dérive ultra-libérale encore plus marquée qui sonnerait le glas de ce qui reste de notre République.
Thierry Mariani ne le cache pas :”J’ai toujours été à l’aile droite de mon parti. Je m’inscris dans la lignée de Pasqua ou Seguin bien plus que dans celle de Pécresse ou de Douste Blazy…”
On ne le lui fait pas dire. Lui n’a pas hésité à prendre la main tendue par le RN aux LR, le programme de Wauquiez est pourtant très proche, reconnaît-il, mais “il n’a pas la volonté de l’appliquer”. Il aura juste contribué à banaliser les thèmes chers au FN, comme Ciotti et beaucoup d’autres, en particulier sur les migrants, l’immigration, la sécurité, mais aussi sur les questions sociales et sociétales, sur la défense de la “libre” entreprise, du système capitaliste, des privilèges des plus riches et des inégalités qui s’ensuivent. Il y a des notions exclues de leur vocabulaire et de leurs objectifs.
Quand les a-t-on vu participer à un mouvement social, soutenir les revendications salariales, l’augmentation du SMIC et des retraites, des minima sociaux..? Exception faite des gilets jaunes dont ils se disent solidaires sans qu’ils aient de programme sricto-sensu, pour tenter de récupérer leurs suffrages tout en se démarquant des violences de militants très souvent d’extrême-droite mêlés aux manifestants et aux casseurs agissant pour leur propre compte.
Deux exemples récents de la convergence droite/extrême-droite : en Espagne la droite a fait alliance avec le centre et l’extrême-droite pour remporter l’Andalousie. En Italie, Salvini très proche du RN, allié au mouvement 5 étoiles (ni droite-ni gauche) a fait adopter un décret sécurité-immigration qui criminalise l’action revendicative et l’aide aux migrants. (1)
Il prévoit des peines de deux à douze mois de prison pour les auteurs de blocages routiers, il supprime le permis de séjour pour raisons humanitaires, il introduit le délit de harcèlement pour mendicité avec prison et lourdes amendes…? Salvini s’est engagé auprès de Bruxelles à augmenter les taxes sur l’essence en 2020 ! Et l’on en passe. Des maires de très grandes villes ont fait savoir qu’ils n’appliqueront pas le fameux décret que ne renierait pas Macron.
Tel est le sombre horizon que nous promet Thierry Mariani, vieux cheval de retour, trop heureux de sa réinsertion possible (il serait dans les 12 premiers) grâce à sa souplesse d’esprit et à son opportunisme avéré. Mais toujours du même côté : à droite toute, l’extrême-droite n’en est qu’une variante…encore plus dangereuse.
René Fredon
(1) https://alencontre.org/europe/italie/italie-le-decret-salvini-donne-une-garantie-au-patronat-attaque-les-demandeurs-dasile-les-immigrant%C2%B7e%C2%B7s-comme-les-travailleurs-et-travailleuses-en-lutte.html