Toulon : à propos de la réouverture des halles..
Enfin Toulon retrouve ses halles ! Inaugurées en mars 1929 elles ont été fermées en
2 002, par…Hubert Falco, un an après son accession à la mairie, après le mandat calamiteux de la municipalité FN précédente.
Entre temps, en 1956, les halles ont reçu le nom d’une jeune femme, Esther Poggio vendeuse de fruits sur le cours Lafayette, assassinée à Nice par les nazis en 1944 pour son activité dans un réseau de la Résistance. Elle avait 32 ans. Elle fut portée en 1947 au grade de sous-lieutenant FFI, et faite titulaire de la légion d’honneur, de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance. Deux plaques témoignent de cet évènement qui figurent sur chacun des deux piliers de l’entrée.
Il aura fallu attendre 19 ans et le quatrième mandat de Mr Falco pour que cet espace public d’une architecture remarquable soit enfin rénové et remis à la disposition des Toulonnais.
Après avoir créé l’agglomération, devenue métropole TPM, les halles furent rachetées en
2 003 par TPM que préside Hubert Falco. Il fut tout d’abord question de les transformer en un espace dédié à la culture mais cette idée ne se concrétisera pas.
En 2017, les halles ont failli être transformées en hôtel 3 étoiles “l’un des grands projets 2017 d’Hubert Falco, sénateur et maire de Toulon” avec 44 chambres, s’émerveillait à l’époque la société Aryster-Toulon (voir https://www.alloprod.com/aryster-toulon/). Mais le montage financier n’aboutit pas et le projet s’arrêta là.
Dans les deux cas, il s’agissait purement et simplement d’en finir avec la vocation des halles qui furent de longue date, dans chaque ville, l’embryon des centres commerciaux à échelle humaine et approvisionnements régionaux.
Comment le maire a-t-il pu, lors de l’inauguration le 10 septembre 2021, se glorifier de cette “réussite du travail et de la volonté, je dirais même de l’acharnement, de la persévérance du temps long...cette idée ne m’a pas quittée depuis 2001″? De quoi rire sous cape.
Il est vrai qu’il peut tout se permettre en omettant par exemple, de dire qu’il a voulu torpiller les halles municipales en les livrant aux affairistes et aux grands de la distribution, comme il l’a fait de la Bourse du Travail, juste à côté des halles, en expulsant les syndicats pour la livrer aux marchands, à Monoprix, en l’occurrence qui fait partie du groupe Casino !
Comme il l’a fait pour le complexe hospitalier et sanitaire privé, sur les terrains publics de Sainte-Musse dont le groupe Quartus fait partie des lauréats de l’appel à projet. En plus de la clinique post-soins Hélio-Marin…tandis que l’hôpital public et ses personnels subissent de plus en plus une politique de restrictions des moyens et de sous-financement des personnels et des investissements nécessaires ! Mr Falco est le président du conseil de surveillance mais ne s’en émeut guère. Il est vrai que, sans changer de trottoir et de conviction, il s’est rapproché de Macron…
“L’esprit des lieux”
Parlons-en. Il y avait foule les jours qui ont suivi l’inauguration. Une réouverture, c’est toujours un évènement. Visiblement l’agencement intérieur est soigné avec terrasses extérieures l’une à gauche en arrivant, l’autre au sommet de l’édifice avec vue spectaculaire.
En prêtant l’oreille on perçoit de l’admiration pour la qualité des lieux, moins concernant les prix. Les inconditionnels vous diront que la qualité ça se paye. Certes, mais ça sélectionne aussi. Et ce n’est pas tellement dans l’esprit des lieux…
Le choix des commerçants a été fait par l’entreprise privée Biltoki, d’origine basque, chargée de la gestion des lieux et du recrutement des 25 occupants d’un stand. Un partenariat public-privé (PPP) relie la société à la ville.
C’est parfaitement légal mais est-ce bien “l’esprit des lieux”? A l’origine c’est un espace public couvert conçu pour rapprocher acheteurs et vendeurs de produits alimentaires. Il peut tout aussi bien fonctionner en régie municipale pour veiller à la sécurité des lieux.
De cette sélection il ressort qu’on a, effectivement, privilégié la qualité et même le haut de gamme. Avec dégustations sur place de produits de bouche artisanaux diversifiés pour attirer les amateurs de bonne chère, ce qui réduit le côté populaire et accessible des lieux, à moins que cette impression ne soit démentie par l’expérience.
On y trouve, outre des pizzas colorées, les saveurs provençales, la boucherie haut de gamme, “les produits frais ou secs dérivés de la truffe”, un “traiteur de la mer”, un écailler, les plats venus d’Hawaï, les spécialités corses, italiennes, espagnoles et portugaises, un bar à l’entrée, un autre sur le toit-terrasse, les produits du terroir varois et même un ambassadeur de la cuisine sud-américaine…
Mais on ne trouvera pas de stand proposant de découvrir les saveurs d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient pourtant très présentes dans nos pays méditerranéens : tout un symbole ! On nous répondra que le quartier est plein de commerces alimentaires tenus par des Français d’origine maghrébine, à commencer par le marché du cours Lafayette.
Pardi, la basse ville, en rénovation urbaine, a été peuplée par les circonstances de l’histoire et par des populations les plus paupérisées dans un habitat vieillissant, en grande partie accessible parce qu’insalubre pour ne pas dire indigne. Des populations en majorité originaires d’Afrique du Nord mais aujourd’hui françaises depuis plusieurs générations.
Comment ne pas y voir une discrimination de fait qui se veut discrète mais pas fortuite, vue l’époque que nous traversons et les tendances identitaires très à droite qui marquent notre vie politique.
On est visiblement dans une gentrification de cette vaste zone historique d’un port de guerre géographiquement tourné vers l’Orient, d’une ville qui projette de se transformer en cité balnéaire tournée, là encore, vers le tourisme haut de gamme.
A un moment où il est urgentissime de se pencher sur nos modes de vie et sur nos modes de production et de consommation pour faire régresser nos émissions de CO2.
L’inauguration des halles illustre à sa façon toute une politique sociale et ethnique qui tourne le dos aux aspirations populaires de paix, de liberté, d’égalité et de justice sociale.
Pour que “l’après” crise sanitaire et économique ne soit pas pire que “l’avant”.
René Fredon