Une rentrée sous le signe d’une forte dégradation sociale et climatique
Cette rentrée s’inscrit dans un contexte mondial des plus inquiétants du fait d’une crise économique majeure, déjà là, du capitalisme, due à la suraccumulation gigantesque de capitaux, notamment financiers, qui ne trouvent plus de débouchés suffisamment rentables. Crise sur laquelle s’est greffée la crise sanitaire dont nous ne sommes pas sortis, aggravant les conséquences sociales et économiques au détriment des peuples ainsi que les inégalités entre pays pauvres et pays développés.
Puis, en février, la guerre russe en Ukraine n’en finit pas de durer, les deux pays en sont à s’accuser mutuellement de tirer des missiles sur la plus grande centrale nucléaire d’Europe ??! tandis que les E-U, l’OTAN et l’UE sont devenus des co-belligérants d’un conflit qui se mondialise et laisse craindre des développements dans un contexte mondial des plus instables. Comme l’était celui de l’avant 2è guerre mondiale. L’ONU craint une catastrophe.
Une guerre ici, entre deux impérialismes qui avait commencé en 2014 en Ukraine par des manifestations pro-européennes condamnant le pouvoir ukrainien d’alors de vouloir s’associer avec la Russie et non avec l’UE. Puis changement de président en Ukraine, la Crimée, majoritairement pro-russe, fit sécession, la Russie n’intervint pas directement. Après référendum le 16 mars 2014 la République de Crimée déclara son indépendance et fit partie de la Russie. L’Ukraine et ses alliés occidentaux ne l’acceptèrent pas. Une guerre diplomatique s’ensuivit, c’est long la diplomatie.
La guerre des communiqués fait rage, chacun s’auto-félicite, ce qui ne permet pas d’approfondir les rapports complexes qui ont abouti à cette invasion par la Russie de Poutine en février 2022. Ils n’en sont pas une justification. Par ailleurs, Poutine voit des bases de l’OTAN s’installer aux frontières russes, contrairement aux accords signés du temps de l’URSS. Il n’y a pas plus “d’Occident protecteur” que de “Russie justicière”. Ce sont des intérêts géopolitiques de domination qui animent les deux camps.
Ce sont les peuples qui trinquent.
Les pénuries qui s’ensuivent renchérissent les prix des céréales, des énergies et autres produits de base qui vont réduire encore plus le pouvoir d’achat de millions de familles dans de nombreux pays en et hors de l’Europe. De leur côté, les marchands d’armes comme les laboratoires privés font des surprofits extraordinaires que nos gouvernements libéraux refusent de taxer ! Pour une minorité tout va bien !
Les libéraux s’efforcent de justifier leurs plans d’austérité qu’ils mettent au seul compte de la guerre en Ukraine pour en masquer la véritable cause : l’ampleur de la crise économique de leur système fondé sur la recherche du profit maximum pour les grands investisseurs privés dont ils baissent les charges et les impôts.
C’est que le marché mondial en partie leur échappe, ils doivent le partager désormais avec la Chine et de grands pays émergents très dynamiques. D’où leurs provocations permanentes pour la discréditer d’autant qu’elle se trouve dans un ensemble économique puissant et représentatif, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui font de l’ombre aux G7, G20, OCDE, FMI, OMC, FED etc…
E-U en tête, ils préparent les classes populaires à “verser du sang et des larmes” pour sauver le capitalisme ! Evidemment ce n’est pas ça qu’ils disent, ils parlent de sortir de la crise sanitaire et maintenant de vaincre la Russie qui serait seule responsable de la situation en Ukraine. “Nous sommes en guerre”, donc les privations vont avec et cela amplifie déjà l’inflation et une récession mondiale probable. La baisse du pouvoir d’achat, c’est la faute aux Russes ! Mais les Russes -du moins leurs dirigeants- ce sont aussi des capitalistes. Merci messieurs.
Ils ont avec eux, pour le faire entrer dans les têtes, tous les médias ou presque, qui appartiennent à une dizaine de milliardaires et qui martèlent en boucle des jours durant “leur” vérité au nom des intérêts de la France.
Dans son récent discours à Bormes pour le 78è anniversaire de la Libération, Macron a enfoncé le clou sur “la force d’âme du peuple pour regarder en face le temps qui vient…et accepter le prix de notre liberté et de nos valeurs…” mettant les pénuries d’énergies et l’inflation au compte de la guerre russe et faisant preuve d’une certaine résignation. “Le président des crises” en fait, se présente en “bon gestionnaire” pour le compte des privilégiés. Sans complexe et sans cap pour en sortir sinon pour nous rapprocher du mur.
Il peut compter sur des partenaires compréhensifs chez les LR et le RN pour ne pas pénaliser ces grands patrons qui connaissent des fortunes diverses mais ne s’en sortent pas si mal, grâce à la baisse des dépenses publiques à tous les niveaux qui se traduit par moins pour les services publics et par le jeu des “niches” et réductions fiscales sans parler des “paradis” du même nom pour les plus riches. Les exemples ne manquent pas.
Ils ne disent pas les angoisses et trop souvent les drames que vivent les salariés.es, les jeunes, les petits exploitants agricoles, artisans, commerçants où “auto-entrepreneurs” et leurs familles déjà fragilisées qui subissent l’inflation et la menace du chômage ou du dépôt de bilan.
Un rapport accusateur sur les inégalités mondiales en 2022
Une équipe de chercheurs internationaux dont le français Lucas Chancel co-directeur de la World Inéquality Database confirme que “cette inflation va peser largement sur les très pauvres” il l’explique par “un cycle d’une quarantaine d’années marquées par une hausse des inégalités et que nous sommes à un moment historique“.
A titre d’exemple, il note que, “entre 2010 et 2020, en France, le patrimoine des 500 personnes les plus riches est passé de 10 à 30% du PIB…” Même constat aux E-U encore plus accentué d’une fragmentation très inégalitaire avec des ghettos de très riches et d’autres très fragilisés mais pas à la même échelle.
Si l’Etat social a pu, notamment en France, amortir depuis les années 1980 les effets du retour des politiques d’austérité et de privatisations, grâce aux conquêtes sociales mises en oeuvre à la Libération, l’inflation et les plans dits de “sauvegarde” annoncent des temps très difficiles, dès la rentrée jusqu’à faire travailler les plus pauvres plus longtemps, quel cynisme ?!
Les libéraux au pouvoir ne sont pas en train de “construire les jours d’après…la pandémie” mais pour garder leur cap et liquider tous nos conquis sociaux afin de gérer les intérêts d’un système d’exploitation en forte crise, aux mains de la classe des possédants. Ils ne jurent que par “le marché qui régule” tout seul la production et les échanges. Au profit de qui ? Et qui prend les décisions ? Si ce ne sont les “démocraties” au service de la dictature de l’argent !
La question tabou
C’est celle des pouvoirs dans l’entreprise et dans la société dont il faut inverser la hiérarchie : priorité à celles et ceux qui produisent les richesses et qui condensent les savoir-faire. Au mieux les salariés occupent un strapontin dans les conseils d’administration. On les écoute mais ils n’ont pas le pouvoir de décision qui appartient aux détenteurs du capital, de la plus forte proportion du capital. Seul compte le critère de rentabilité…pour attirer d’autres investisseurs. L’intérêt général, c’est tout autre chose ? Une conception et une condition déterminante portées notamment par les communistes. Tout comme celle des financements. Faute de quoi on ne fait que réformer le capitalisme alors qu’il bloque toutes les avancées sociales, écologistes, démocratiques, politiques…par sa finalité.
Là est le nœud d’une situation qui peut demain se traduire par de nouvelles et fortes régressions sociales en plus de l’incapacité de freiner nos émissions de gaz à effets de serre faute de moyens et de volonté politique d’engager une transition écologique à la hauteur des enjeux et de l’urgence dont témoignent les phénomènes climatiques et leurs conséquences vécues partout ces derniers mois.
La situation peut évoluer en fonction de la mobilisation du corps social : de l’ensemble des salariés.es et de toutes les victimes des choix d’un système en déclin qui ne renoncera pas à ses objectifs égoïstes dont la nocivité n’a que trop duré.
Le mécontentement populaire est très grand et largement majoritaire mais aussi très diversifié, de l’abstention à plus de 50% à la résignation, au scepticisme, au rejet des partis politiques, au manque de cohésion à gauche malgré l’existence et la percée de la NUPES
Les luttes peuvent éviter le pire selon le rapport de forces et la perspective qu’elles ouvrent pour rendre crédibles et exiger justement de nouveaux pouvoirs dans les entreprises et dans la société qu’il s’agit de transformer en société du partage et des biens communs en même temps que d’activer la transition écologique dans tous les domaines de la recherche, de la production et de la consommation.
Pour enfin, faire reculer les inégalités de toutes natures et donner du sens à la vie, aux rapports sociaux fondés sur la coopération, le progrès et la justice sociale. Le droit pour tous à une vie digne grâce à un revenu décent et à des protections sociales garanties à chacun.
Il ne suffit pas de promettre des objectifs sociaux élevés sans préciser le financement : l’Etat (les impôts) ou les entreprises dont il faudra bien qu’elles contribuent proportionnellement à leurs résultats et aux profits encaissés par les actionnaires. Et aussi selon qu’elles relocaliseront et créeront des emplois.
Sans perdre de vue que l’échec patent des politiques libérales successives a surtout profité à l’extrême-droite au plus haut de son influence en France et en Italie où la très mussolinienne Giorgia Meloni à la tête de “Frères d’Italie” est en mesure d’accéder au pouvoir en septembre prochain alliée à Berlusconi et à la Ligue du Nord de Salvini, face à la coalition de centre gauche derrière Mario Braghi qui a éclaté.
Ce qui ne doit pas faire oublier la victoire de la gauche en Colombie, une première après 200
ans de conservatisme violent sous la tutelle américaine. Ni le retour de Lula au Brésil donné pour probable !
Il y a tellement de raisons d’espérer.
René Fredon
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